à Copenhague, Noma ferme, Geranium pousse


Comment définir la gastronomie danoise ? Il y a peu encore, ceux qui s’intéressent au sujet auraient répondu sans hésiter Noma : ce restaurant trois étoiles de Copenhague, inauguré en 2004, qui, en valorisant des ingrédients locaux, a changé l’image du Danemark. De la patrie de la boulette (frikadelle), le pays est devenu un acteur majeur de la gastronomie mondiale, capable de faire de l’ombre à la France.

Aujourd’hui, la définition semble sur le point de changer : en juillet 2022, la table Geranium, à Copenhague, a arraché le statut de « meilleur restaurant du monde » au classement 50 Best Restaurants, place longtemps accaparée par Noma. Et, en janvier 2023, ce dernier a annoncé, à la surprise générale, sa fermeture pour 2024. Une révolution dans une petite ville au très grand pouvoir prescripteur.

Le chef du restaurant Geranium, Rasmus Kofoed. A droite, crabe royal à la pomme.

Depuis près de vingt ans, Copenhague dicte les tendances mondiales. Son ascension a commencé au début des années 2000, quand le chef danois René Redzepi et le restaurateur Claus Meyer ont eu l’idée d’ouvrir un restaurant qui mettrait en valeur le terroir local – dont personne n’avait jusque-là supposé qu’il puisse fournir matière première à un repas gastronomique. « Avant, tout était importé. On a montré qu’on pouvait faire des choses incroyables sans utiliser de foie gras, de turbot ou de caviar », se souvient Claus Meyer (qui n’est plus aujourd’hui associé au restaurant).

Des crevettes servies vivantes

Chez Noma, le monde découvre que les baies, champignons, fleurs et plantes sauvages cueillis dans la forêt danoise ont du goût ; que les fermentations et la mise en conserve des récoltes d’été permettent de passer l’hiver ; que les poissons de la Baltique peuvent rivaliser avec ceux de la Méditerranée. La plupart des produits célébrés sont reconnaissables dans l’assiette : les crevettes servies vivantes sur de la glace ; des radis enterrés dans une terre comestible de farine de malt et noisettes ; des feuilles d’oseille saupoudrées d’une poudre à base de criquets.

« Dès le début, Redzepi et Meyer ont donné à leur entreprise une dimension politique en établissant un manifeste de la nouvelle cuisine nordique [de saison et locavore], signé par plusieurs chefs », souligne Nicolas Chatenier, auteur du livre La Clé anglaise (Menu Fretin, 2022), qui explore la géopolitique culinaire. Cette « nouvelle cuisine nordique » est soutenue financièrement dès 2006 par le Conseil nordique des ministres, puis par l’office du tourisme danois.

Lire aussi : Le restaurant Geranium, du chef danois Rasmus Kofoed, sacré « meilleur restaurant au monde »

Novateur, porté par l’ambition du Danemark de faire rayonner sa culture, Noma attire les projecteurs sur Copenhague et ne tarde pas à faire des émules. A l’étranger, des chefs péruviens ou sud-africains adaptent l’idée de ne se servir que de leur terroir sans rien importer. La mode du locavore touche tous types de resto, des échoppes street food aux grandes tables, en passant par les petits bistrots. « [Au Danemark,] on a été nombreux à lui emboîter le pas », se souvient Nicolai Norregaard, chef de Kadeau, restaurant de haute cuisine locavore, qui s’est lancé sur l’île de Bornholm, en 2007.

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