A Hongkong, les déboires juridiques de Jimmy Lai illustrent les dérives de la justice locale


Jimmy Lai, militant pro-démocratie, quitte la cour d’appel final de Hongkong, le 1er février 2021.

Mardi matin 13 décembre, à la Haute Cour de Hongkong, Jimmy Lai apparaît une nouvelle fois dans le box en verre des accusés, cerné par cinq jeunes gardes en combinaison kaki. La femme et la fille de cet ancien patron d’un groupe de presse d’opposition sont à quelques mètres, sur le banc réservé à la famille. La séance, présidée par trois juges, toge rouge, étole noire et perruque à rouleaux, va être de courte durée. Au bout de trente minutes de tergiversations entre l’accusation et la défense sur le calendrier des séances à venir et d’une pause pour permettre aux deux parties de trouver un accord, la Cour tranche et annonce que le procès aura lieu en septembre 2023.

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Pour Jimmy Lai, ce procès, dans lequel il devra répondre de plusieurs chefs d’accusation sous la nouvelle loi sur la sécurité nationale (LSN) imposée par Pékin à Hongkong en juin 2020, est le plus sérieux car les crimes dont il est accusé – notamment collusion et complot avec des forces étrangères – sont passibles de peines allant jusqu’à la perpétuité. Les juges ont tous été choisis par le gouvernement, une prérogative des procès sous la LSN. Le groupe de presse de Jimmy Lai, Next Digital Limited (anciennement Next Media), fermé de force en 2021, publiait notamment le tabloïd très populaire Apple Daily, qui affichait ouvertement son opposition au gouvernement local et au Parti communiste chinois. Et Pékin reproche aussi férocement à Jimmy Lai ses liens étroits avec Washington.

Le procès qui devait initialement ouvrir le 1er décembre avait déjà été reporté. Ce nouvel ajournement de dix mois est un épisode de plus dans ce feuilleton politico-judiciaire qui sape la réputation déjà écornée de la justice hongkongaise. Car les autorités locales ont également tout fait pour empêcher Jimmy Lai d’être défendu par l’avocat de son choix, le « conseiller du roi » britannique, Tim Owen, qui exerce régulièrement à Hongkong. Ce territoire a la particularité de compter parmi ses magistrats et ses avocats un certain nombre de juristes étrangers.

La chef de l’exécutif fait appel à Pékin

Mais après que le gouvernement a perdu ses deux recours en justice pour obtenir l’inadmissibilité d’un avocat étranger dans les affaires relevant de la LSN (d’abord auprès de la Haute Cour, puis auprès de la Cour d’appel final), le chef de l’exécutif de Hongkong, John Lee, a pris l’ultime mesure à sa disposition, et a fait appel à Pékin pour casser la décision de la plus haute instance de Hongkong, en demandant une « interprétation » de la loi sur la sécurité nationale.

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