A la Cour internationale de justice de La Haye, l’Ukraine et la Russie plaident leur cause dans l’annexion de la Crimée


L’ambassadeur russe aux Pays-Bas, Alexander Shulgin, l’ambassadeur itinérant du ministère russe des affaires étrangères, Gennady Kuzmin, et la représentante permanente adjointe de la Fédération de Russie auprès des Nations unies, Maria Zabolotskaya, comparaissent devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye, le 8 juin 2023.

Ukraine et Russie côte à côte face à seize juges de la Cour internationale de justice (CIJ) dans l’enceinte du Palais de la Paix, à La Haye : la scène paraît irréelle. Et pourtant, les 6 et 8 juin, Kiev et Moscou se sont retrouvés pour plaider leur cause devant cette instance de l’ONU, chargée de régler les différends entre Etats.

En 2017, Kiev avait porté plainte contre Moscou, l’accusant de violer les conventions internationales sur la répression du financement du terrorisme et sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales. Six ans plus tard, l’ambassadeur itinérant de l’Ukraine sur la justice internationale, Anton Korynevytch, s’est targué d’avoir eu « raison de sonner l’alarme et d’alerter le monde ». L’affaire dépasse l’objet des deux conventions internationales invoquées par Kiev. Elle « découle du refus de la Russie d’accepter nos choix. De vivre indépendamment des ordres de Moscou », a assené Anton Korynevytch.

Le début de la guerre actuelle remonte à 2014, a rappelé le diplomate, et à « l’occupation illégale » de la Crimée. Kiev accuse Moscou d’avoir conduit une « campagne d’éradication culturelle » contre les Tatars de Crimée et de vouloir aujourd’hui « russifier » les civils des territoires occupés. Elle l’accuse aussi d’avoir financé et soutenu le terrorisme des séparatistes prorusses de Donetsk et Louhansk. Bombes et lance-roquettes BM-21S « ne passent désormais plus discrètement la frontière, a expliqué le diplomate. Maintenant, la Russie fait ouvertement pleuvoir des milliers de missiles et de bombes sur les Ukrainiens. »

Le droit comme une arme

Puis il a invité les seize juges à se rappeler « ce qu’il s’est passé lorsque l’argent et les armes russes ont afflué dans le Donbass : le vol MH17 [vol commercial abattu en juillet 2014 au-dessus du Donbass, avec un missile fourni par la Russie aux séparatistes et faisant 298 victimes], Nova Kakhovka, Marioupol, Kramatorsk, Kharkiv ». L’Ukraine dénonce « une campagne d’intimidation et de terreur ». Dans la nuit qui a précédé l’intervention du diplomate, le 6 juin, le barrage de Kakhovka, dans la région de Kerson, a été détruit, faisant au moins six morts et des dégâts gigantesques. L’ambassadeur a dénoncé l’« acte d’un Etat terroriste ».

Ces audiences devant la Cour internationale de justice constituent l’une des multiples « batailles » que conduit l’Ukraine depuis 2014. Des réunions à l’ONU aux couloirs de l’Union européenne, des salons de Londres et Paris aux prétoires de La Haye, Kiev affirme sans complexe conduire une guerre judiciaire contre Moscou et revendique le choix d’utiliser le droit comme une arme. La Russie n’y est pas insensible. En mars 2023, Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, a estimé que la paix future devrait « annuler toutes les sanctions illégales et retirer toutes les poursuites contre la Russie devant les tribunaux internationaux ».

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