À Lyon, une régie publique de l’eau pour faire face aux défis écologiques et sociaux



« C’est une question de finalité : le privé gère une marchandise, le public gère un bien commun ! », résume Anne Grosperrin, vice-présidente de la métropole de Lyon, où elle est chargée du cycle de l’eau. Depuis le 1er janvier 2023, celle qui coule du robinet des habitants n’est plus produite ni distribuée par une entreprise privée mais par une régie publique.

Si cette opération ne bouleverse pas – pour le moment – le quotidien des Lyonnais, elle est un marqueur politique qui permet aux Verts, à la tête de la métropole depuis juillet 2020, de réaliser l’une de leurs principales promesses de campagne. Elle marque selon eux une « petite révolution » nécessaire pour que la ressource puisse surmonter les défis à venir.

Grenoble a fait figure de pionnière

Historiquement, à partir de 1853, la gestion de l’eau était assurée, à Lyon, par la Compagnie générale des eaux, qui allait ensuite devenir Veolia Environnement. La délégation de service publique que cette entreprise détenait a pris fin le 31 décembre 2022. « C’était, depuis longtemps, une évidence pour nous comme pour une partie des citoyens, réunis en coordination », estime l’élue.

Lyon rejoint ainsi, en même temps que Bordeaux, le cercle des métropoles toujours plus nombreuses à faire leurs adieux aux multinationales pour reprendre en main la gestion de l’eau. Depuis le début des années 2000, où elle avait fait office de pionnière, la municipalité grenobloise a été rejointe par Paris, Rennes, Nice ou encore Montpellier.

Protéger la ressource en amont

Mais que change une gestion publique ? À Lyon, on parle avant tout d’un « changement de paradigme ». Concrètement, alors que l’opposition fustige déjà l’absence d’objectif et de « cadre budgétaire », l’exécutif avance que les marges dégagées par l’ancien délégataire privé, « qui représentaient autour de 6,5 % d’un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros », seront directement réinvesties. Avec à la clé, promet-on, des améliorations du service, telles que la réduction du taux de fuite. À Grenoble, par exemple, il a pu être réduit d’un tiers depuis 2015.

Mais il s’agit surtout de s’inscrire, sur le long terme, dans une réalité écologique sous pression en élargissant la mission à la protection de la ressource en amont. « Le Rhône pourrait connaître un débit entre 10 % et 40 % moins élevé d’ici à 2050 : il faut reconquérir des captages et favoriser le partage en discutant avec les agriculteurs, par exemple. Et aussi porter attention à sa qualité, en travaillant sur les racines de la pollution aux perfluorés au sud de la ville », précise Anne Grosperrin.

L’exemple grenoblois

Pour elle, une collectivité qui reprend cette maîtrise technique « se responsabilise » immédiatement. « Mais pourra-t-elle être aussi efficace que le privé ? », demande déjà Louis Pelaez, président du groupe centriste au conseil métropolitain.

L’exemple grenoblois apporte un élément de réponse : « Même si on a eu tendance à l’oublier, le savoir-faire et les compétences sont là », assure Christophe Ferrari, le président de la métropole iséroise. Même si les difficultés de recrutement, ces dernières années, ont conduit sa collectivité à soutenir la mise en place d’une nouvelle formation de « fontainiers » en 2022.

Un droit à l’eau

La métropole lyonnaise étendra aussi ses compétences au droit à l’eau, notamment celui des plus précaires. La question figurait parmi les premières préoccupations de Grenoble au moment où la ville a engagé la remunicipalisation de la gestion de l’eau, après un vaste scandale de corruption (en 1996, le maire de la ville Alain Carignon avait été condamné pour avoir accepté des avantages matériels considérables en échange de sa délégation à une filiale de la Lyonnaise des eaux, faisant grimper le prix du mètre cube entre 1990 et 1995). À Grenoble, le prix est aujourd’hui fixé à 3,36 € TTC/m3, tandis que près de 10 000 ménages bénéficient d’une aide de 70 € en moyenne par an.

« Ici, à Lyon, la mise en place d’une tarification sociale et environnementale est prévue d’ici à 2024 », annonce Anne Grosperrin, qui souhaite aussi confier à la régie des missions comme l’alimentation des squats ou la mise en place de laveries solidaires. « Mais il faut aussi dire aux habitants que l’eau payera l’eau, prévient Louis Pelaez. Si la régie est en déficit, ce sont eux qui subiront ! »

L’implication des usagers est au cœur d’un autre enjeu, démocratique, lui. « Les citoyens ont été trop longtemps éloignés du sujet, qui s’est considérablement technicisé ! », regrette-t-on. La métropole de Lyon propose actuellement aux habitants de rejoindre une assemblée d’usagers qu’elle promet d’associer aux grandes décisions, et dont quatre représentants siégeront au conseil d’administration de la régie.



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