A Vérone, la grand-messe de Bacchus vient titiller les vins français


« Le Jeune Bacchus » de Guido Reni, un des joyaux du Musée Pitti, à Florence, a été exposé lors du salon Vinitaly, à Vérone (Vénétie) du 2 au 5 avril 2023.

Le pavillon est situé près de l’entrée de la foire, mais on ne s’y introduit pas comme dans un moulin. Une fois sacrifié aux contrôles de sécurité, il faut patienter quelques minutes à côté d’un massif de fleurs tricolores, le temps que l’espace se libère et qu’un carabinier nous autorise à pénétrer dans une grande pièce plongée dans l’obscurité, où trônent deux chefs-d’œuvre absolus de l’histoire de la peinture, placés sous la garde ­vigilante d’une demi-douzaine d’hommes en uniforme : à gauche, Le Jeune Bacchus de Guido Reni, un des joyaux du Musée Pitti, à Florence, et à droite, le Bacchus du Caravage, conservé dans la même ville mais sur l’autre rive de l’Arno, dans la galerie des Offices.

Annoncée tambour battant par les organisateurs de la 55édition du salon Vinitaly, qui s’est tenue à Vérone (Vénétie) du 2 au 5 avril, la venue de ces deux invités d’honneur, financée par l’assureur Generali, n’est pas allée sans provoquer des grincements de dents, mais le gouvernement italien, d’ordinaire plus frileux, a appuyé l’idée avec enthousiasme.

Après tout, il n’en fallait pas moins pour soutenir la campagne pour l’inscription de la cuisine italienne au Patrimoine mondial de l’Unesco et célébrer le retour du grand public après les restrictions liées à la pandémie. Et puis comment mieux souligner que le vin, en Italie, est un fait culturel établi depuis toujours ?

Tarif élevé des entrées

Mobiliser le patrimoine du pays pour assurer le rayonnement commercial de son secteur viticole… Si les gouvernements successifs des années 2010 n’ont eu de cesse de chercher à s’appuyer sur les richesses culturelles de l’Italie pour en faire des moteurs de croissance, allant jusqu’à réunir la culture et le tourisme dans le même ministère durant les années Renzi, jusqu’alors nul n’était allé aussi loin. Face aux critiques des associations de défense du patrimoine, le ministre de l’agriculture, Francesco Lollobrigida – pilier de Fratelli d’Italia (extrême droite) –, a revendiqué sans états d’âme la paternité de cette idée : « C’est une chose qui attire, qui réunit le vin et la culture, tout en racontant ce qu’il y a à l’intérieur d’un produit, le vin. »

Autrement dit : ce qui est bon pour le vin italien est bon pour l’Italie et il n’y a pas de mal à ce que des chefs-d’œuvre inestimables soient employés à accroître le prestige de Vinitaly, qui revendique fièrement le statut de « plus grande manifestation dédiée au vin au monde ».

La « plus grande », vraiment ? Certes, l’édition 2023 peut se targuer d’avoir rassemblé plus de 93 000 visiteurs tandis que les deux poids lourds du secteur, WineParis & Vinexpo, porte de Versailles, et ProWein, à Düsseldorf, n’en ont accueilli que 35 000 à 40 000 en février et mars. Mais le salon de Vérone, contrairement à ses concurrents, n’est pas une manifestation réservée aux professionnels, ce qui rend les chiffres difficilement comparables. Et, même si Vinitaly est un lieu de rencontres et d’échanges professionnels, il se veut avant tout une fête populaire, en dépit du tarif très élevé des entrées (le prix de base était de 120 euros pour une journée).

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