Albin Kurti, l’inflexible premier ministre du Kosovo
Albin Kurti peut répondre d’un simple non sans appel à une question répétée trois fois, puis dérouler son message sans plus vous écouter, tout en sachant rester calme, courtois et profondément inflexible. Jeudi 8 juin, la pression occidentale sur les épaules du premier ministre nationaliste de gauche du Kosovo est à son sommet pour qu’il lâche du lest dans la crise qui déchire le nord de son pays, voisin de la Serbie, mais lui répond, imperturbable, aux questions du Monde.
Il veut d’abord le « rétablissement de l’Etat de droit », puis des garanties d’une « campagne libre et juste » avant d’accepter le retrait des maires albanophones – dont l’installation a provoqué des affrontements entre les Serbes et les forces de l’OTAN, le 29 mai – et d’annoncer une date pour organiser de nouvelles élections dans les quatre municipalités à majorité serbe autour de la ville divisée de Mitrovica. Peu importe que deux émissaires envoyés par Bruxelles et Washington soient venus lundi jusqu’à Pristina l’implorer d’organiser d’ici à juillet ces élections, dans ce territoire toujours contrôlé en sous-main par Belgrade et où les Serbes ont boycotté le dernier scrutin.
Lui assure « qu’il n’a pas eu d’ultimatum mis sur la table » par les Occidentaux et temporise sur les risques de dérapage : « La situation s’est calmée. » Il ne se montre pas plus clair sur la création d’une association des municipalités à majorité serbe, censée accorder une forme d’autonomie à cette minorité, alors que le diplomate américain chargé des Balkans, Gabriel Escobar, lui a donné jusqu’à vendredi pour présenter un plan détaillé sur cette revendication majeure des 100 000 Serbes résidant encore dans ce pays de 1,7 million d’habitants à grande majorité albanaise. « Nous allons faire une présentation approfondie, mais nous devons d’abord nous mettre d’accord sur les principes » avec Belgrade, a-t-il.
Affrontement inédit
En faisant lanterner les Occidentaux, M. Kurti, 48 ans, assume se lancer dans un affrontement inédit avec les puissances qui ont pourtant permis l’indépendance de ce petit pays des Balkans en intervenant, en 1999, contre l’armée serbe, puis en soutenant sa déclaration d’indépendance, en 2008. Des menaces de sanction et de représailles jamais vues planent contre Pristina, mais M. Kurti rétorque que le « Kosovo est le pays plus démocratique des Balkans occidentaux ». « C’est Belgrade qui devrait être sanctionné, car la Serbie n’a toujours pas décidé de sanctions contre la Russie seize mois après le début de la guerre [en Ukraine] ».
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