Au cœur de l’impasse péruvienne, l’exigence d’une nouvelle Constitution


Au cœur de l’impasse péruvienne, l’exigence d’une nouvelle Constitution

Près de deux mois se sont écoulés depuis la destitution du président Pedro Castillo, et le Pérou est toujours dans l’impasse. Les manifestations se poursuivent à un rythme quotidien, en dépit de heurts avec les forces de l’ordre ayant fait, selon l’organisme indépendant de protection des droits de l’homme, près de 60 morts. Dans les rues de Cuzco ou de Lima, on demande le départ de la nouvelle cheffe de l’État, Dina ­Boluarte, et la tenue d’élections anticipées, dès cette année. Ainsi que, de plus en plus, la convocation d’une assemblée constituante.

Selon une enquête publiée en janvier, 69 % des Péruviens se disent aujourd’hui favorables à une assemblée pour faire évoluer l’actuelle Constitution, adoptée en 1993 sous la présidence d’Alberto Fujimori. Une présidence marquée, sur le plan économique, par une « thérapie de choc » aux lourdes conséquences sociales, avec de nombreuses privatisations à la clé. «La Constitution de 1993 avait marqué un virage économique pour le Pérou, limitant en particulier le rôle de l’État et encourageant les investissements étrangers, notamment dans le domaine extractiviste », rappelle Valérie ­Robin Azevedo, professeur d’anthropologie à l’université Paris Cité.

Trois décennies plus tard, l’idée de réformer ce texte n’est pas entièrement nouvelle : elle figurait déjà dans le programme de Pedro ­Castillo, élu en 2021. « En avril 2022, le gouvernement a présenté un projet de loi prévoyant l’organisation d’un référendum sur l’ouverture d’un processus constituant, détaille Roman Perdomo, doctorant en science politique à l’université de Montréal. L’idée était de convoquer une assemblée constituante populaire, plurinationale et paritaire. »

Cette tentative avait échoué. Il est vrai qu’à l’époque cette proposition était peu populaire. Mais depuis le début de la crise actuelle, une réforme constitutionnelle apparaît aux yeux de beaucoup de ­Péruviens comme l’unique solution pour s’attaquer aux maux récurrents du pays : corruption des élites ; pauvreté persistante et inégalités croissantes ; instabilité institutionnelle chronique, etc. En décembre, Dina Boluarte est devenue la sixième présidente depuis juillet 2016.

Unique solution… ou obstacle supplémentaire sur la voie de l’apaisement ? Alors que les débats se poursuivaient mercredi 1er février au Parlement de Lima sur l’organisation d’élections anticipées, revendication pressante des manifestants, les élus de gauche rechignaient à donner leur feu vert, exigeant d’inclure dans le compromis soumis au vote la convocation d’une assemblée constituante. Ce que la droite fujimoriste, majoritaire au ­Parlement, refuse.

Pour l’heure, l’exigence de changements constitutionnels ne constitue pas un projet abouti, ni ne relève d’une démarche aussi structurée qu’au Chili, où la population a fait part, depuis 2019, de sa volonté d’en finir avec la Constitution héritée de la dictature d’Augusto Pinochet. «Quand on interroge les gens sur les modifications à inclure dans le texte, ils expriment des demandes parfois très conservatrices, comme le retour de la peine de mort, mais aussi des souhaits plus progressistes, comme un rôle accru de l’État dans l’économie ou des droits sociaux supplémentaires », poursuit Roman Perdomo.

Certaines pistes également visent à assurer une meilleure représentativité des élus, en instaurant un système de primaires. Mais rien de cela ne devrait voir le jour… avant la tenue de nouvelles élections et une éventuelle réforme.



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