Au liban, le banquier Riad Salamé ménagé par les dirigeants du pays malgré deux mandats d’arrêt


Riad Salamé, le gouverneur de la Banque du Liban, le 11 novembre 2019.

Le cataclysme financier qui s’est abattu sur le Liban en 2019 n’a pas coûté son poste à Riad Salamé, le gouverneur de la banque centrale du pays. Deux mandats d’arrêt étrangers, l’un émis par la justice allemande, l’autre par la justice française, n’y font rien non plus : les responsables politiques libanais n’ont pas l’intention de pousser vers la sortie celui qui a été le cerveau de la politique monétaire pendant trente ans. Il devrait rester aux manettes de la Banque du Liban jusqu’à l’échéance de son mandat, à la fin du mois de juillet.

La volonté de ne pas faire de remous autour d’un personnage resté puissant l’emporte. Le sentiment que la bataille est inutile, à quelques semaines du terme du mandat du gouverneur, et la paralysie politique, avec un gouvernement chargé des affaires courantes et l’absence d’un président, font le reste, tout comme la crainte d’un nouveau dévissage de la livre, en cas de secousse.

Quelques voix, minoritaires, au Parlement ou au cabinet, se sont bien élevées depuis la mi-mai, date où Beyrouth a reçu une première notice rouge d’Interpol, basée sur le mandat d’arrêt international émis par la justice française, pour réclamer la démission ou la suspension de Riad Salamé. Ainsi Saadé Chami, vice-premier ministre chargé des négociations avec le Fonds monétaire international, s’est-il inquiété des « risques pour la réputation du gouvernement libanais ». Mais son argument a laissé la plupart de ses collègues de marbre, lors d’une réunion informelle du cabinet tenue le 22 mai.

Le gouverneur connaît de nombreux secrets

L’exécutif assure que le sort de M. Salamé relève des prérogatives de la justice. « Ni le premier ministre ni le gouvernement intérimaire n’ont l’autorité de révoquer M. Salamé. Le choix est fait : il restera à ses fonctions jusqu’à leur terme, à moins d’une décision de la justice libanaise », dit ainsi l’ancien député Ali Darwiche, affilié à Najib Mikati, le chef de l’exécutif. Pour ne pas sembler tout à fait inerte, le gouvernement a chargé deux ministres de plancher sur les « conséquences des poursuites contre Riad Salamé à l’étranger sur l’exercice de sa fonction, et leur impact sur le fonctionnement de la banque centrale », a annoncé le porte-parole de l’équipe, Ziad Makari.

« Vu sa longévité à la tête de la banque centrale, M. Salamé connaît de nombreux secrets sur les personnages influents et leur argent, explique un bon connaisseur de la scène libanaise. Il l’a laissé entendre, lorsqu’il a déclaré dans une interview à [la chaîne de télévision saoudienne] Al-Hadath, peu après le mandat d’arrêt français, que la justice devrait d’abord s’intéresser aux politiciens. La classe politique préfère maintenir le statu quo. »

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