« Au moins, il y a une ceinture de sécurité, ce n’est pas comme sur une trottinette »


On les appelle des « sans p », pour « sans permis ». En ville, ces voiturettes qui se vendent désormais pour la moitié aux mineurs, transforment les parkings des lycées les plus huppés en showroom de concessionnaire. Dans l’imaginaire de la voiture sans permis, le papy à bob roulant fenêtre ouverte a été remplacé par un jeune en Canada Goose qui drague avec sa « sans P ».

Accessibles dès 14 ans depuis 2018, elles ne demandent aux plus jeunes que le permis AM et de convaincre leurs parents

La star d’entre elles est la Citroën Ami, dont la ligne est à mi-chemin entre l’Apéricube et ces chiens dont on ne sait pas distinguer l’avant de l’arrière, et que ses jeunes propriétaires aiment customiser telle une coque d’iPhone. Selon le constructeur automobile, dans 85 % des commandes, c’est un véhicule complémentaire qui vient remplacer un deux-roues et 70 % de ses utilisateurs vivent dans des petites villes ou en milieu rural.

Dans les campagnes, les « sans P » sont devenues le moyen de déplacement des élèves en apprentissage. Accessibles dès 14 ans depuis 2018, elles ne demandent aux plus jeunes que le permis AM et de convaincre leurs parents – ce qui parfois peut réclamer bien plus de temps que les huit heures de formation obligatoire pour l’obtention de ce brevet de sécurité routière.

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A quoi on les reconnaît

Contrairement aux constructeurs, les jeunes conducteurs de « sans P » n’emploient jamais le mot « quadricycle ». Ils ont réussi à faire croire à leurs parents que ce serait moins dangereux qu’un deux-roues, que, si leur quartier ou leur village était mieux desservi, ils n’en auraient pas eu besoin et qu’au moins ils seraient à l’abri et au chaud. Ils ont promis qu’ils ne mettraient pas de copain dans le coffre, mais ont déjà essayé de compter à combien de personnes et de guitares on pouvait tenir.

En ville, leurs voisins se planquent quand ils les voient arriver. A la campagne, leurs profs fulminent quand, sur la route, ils se retrouvent derrière leur élève à 40 kilomètres-heure sur une ligne droite de 3 kilomètres. Ils peuvent expliquer qu’en location, abstraction faite du premier loyer, ­comparé à un forfait de téléphone, ce n’est pas beaucoup plus cher. Ils avaient déjà utilisé l’argument « tous mes amis en ont » pour avoir un ­smartphone, cinq ans plus tôt.

Ils connaissent toujours le prix de la voiturette sans permis la plus haut de gamme du marché pour donner l’impression que la leur était une affaire. Ils n’aiment pas qu’on dise que c’est pour les gosses de riches. Ils sont convaincus qu’il n’y avait pas d’autre solution. Ils ont le sentiment d’avoir rejoint le monde des adultes depuis qu’ils peuvent se plaindre de ne pas trouver de place de parking ou des piétons qui traversent n’importe où. Leurs parents croyaient que « sans P » signifiait « Sanpellegrino ».

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