Au Musée national d’Irak, le retour de la vie culturelle


Au Musée national d’Irak, le retour de la vie culturelle

Bagdad

De notre correspondant

Près d’un siècle après son inauguration, le Musée national d’Irak, l’un des plus célèbres du monde, vit une seconde jeunesse, comme la promesse de lendemains meilleurs dans un pays marqué par quatre décennies de conflits et un important trafic illicite de biens culturels. Depuis le 24 février, le musée ouvre enfin ses portes le week-end et gratuitement, un an après sa réouverture officielle. Pour la population, dont de nombreuses familles et écoles, et les quelques touristes qui s’y pressent, c’est une porte ouverte sur l’histoire de la Mésopotamie, berceau des civilisations sumériennes, akkadiennes, babyloniennes et assyriennes et de l’écriture cunéiforme.

Les visiteurs venus nombreux y admirent des pièces d’une valeur inestimable. Les plus anciennes sont datées de 60 000 ans. La plus fameuse est sans doute la tablette de Gilgamesh, vieille de 3 500 ans, volée en 1991 lors de la première guerre du Golfe puis restituée en grande pompe par les États-Unis en 2021 au côté de plus de 17 000 pièces, provenant de différents sites irakiens. Le tout sous l’égide de l’Unesco. « Les équipes du musée et l’ensemble des autorités irakiennes ont fait un travail exceptionnel pour retrouver ces œuvres et les rendre à nouveau accessibles au public. Ma visite sur place (ce lundi 6 mars, NDLR) vise d’abord à leur rendre hommage », souligne Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco.

Le musée fut fermé de 2003 à 2015 à la suite de l’invasion américaine et des pillages qui ont vu s’évaporer près de 15 000 pièces dans la nature – dont un tiers a été retrouvé et restitué avant 2015 – puis de 2019 à mars 2022 à cause de l’instabilité du pays et du Covid. « L’Unesco a soutenu cette réouverture, en fournissant du matériel, notamment informatique, en mobilisant ses experts pour établir des inventaires précis des œuvres et en formant les conservateurs », commente Audrey Azoulay.

Tout le long du parcours des 24 galeries du musée, l’émotion se fait palpable dans les yeux de certains visiteurs dont c’est la première visite pour beaucoup. C’est le cas de Fatma Marjaan, une Irakienne de 28 ans qui vit à Toronto : « C’est tellement beau et tant d’émotion de voir comment ce patrimoine a pu être retrouvé et préservé », s’enthousiasme-t-elle alors qu’elle est arrivée en Irak la veille « pour la première fois depuis une vingtaine d’années ». C’est aussi une première au musée pour la quarantaine d’élèves de l’école Al-Rouak, âgés de 9 à 12 ans et encadrés par leur professeur Abdelkarim Al Anbas. « Pour l’éducation des enfants, il est essentiel de leur apprendre l’histoire et la culture de leur pays », explique le professeur.

Venu avec ses petits-enfants, Haïdar Al Safar, les tempes grisonnantes de sa soixantaine bien entamée, interpelle un guide et lui demande si les pièces exposées sont véritables. « En Irak, à cause de la contrefaçon endémique, beaucoup ici ne pensent voir que des copies », sourit Nael, le seul guide francophone du musée, qui poursuit : « Les copies d’œuvres, comme le code de Hammurabi conservé au Louvre, ne se comptent que sur les doigts d’une main et sont légales. Toutes les autres pièces du musée sont véritables. » Le petit-fils de Haïdar, Ibrahim, 10 ans, trouve, lui, « le musée trop joli » et se demande « comment tout ça a été fabriqué » de sa voix enfantine.

« Depuis l’ouverture le week-end, on voit beaucoup plus de familles, des grands-parents avec leurs petits-enfants », constate à l’entrée le sous-officier chargé de la sécurité, Haïdar Ali Fayçal. Il précise que 4 000 visiteurs ont été dénombrés le vendredi précédent qui a marqué le retour du public le week-end au musée « dont de nombreux touristes du Golfe mais aussi quelques Britanniques et Français ». Et en effet, quelques Français sont présents dans le musée. Deux photographes mais aussi un touriste, Jean-Marc Garandeau, 55 ans, originaire de Paris. « C’est vraiment un endroit sécurisé avec un accueil extraordinaire », explique le visiteur, qui se dit « passionné » par ce qu’il vient de voir.



Lien des sources