Au Soudan du Sud, le mausolée John-Garang, un symbole pour la population



Le bitume est passé au jet d’eau, tandis que le squelette d’un chapiteau attend d’être habillé. Alignés face à l’estrade en pierre bâtie pour l’occasion, des adolescents répètent la cérémonie d’accueil. Samedi 4 février, le pape va présider une prière œcuménique, avant de célébrer une messe le lendemain, dans ce lieu iconique de la plus jeune nation du monde : le mausolée John-Garang.

Sur ce site, en plein cœur de Juba, la capitale du Soudan du Sud, repose la dépouille de John Garang de Mabior, héros de la guerre conduite, entre 1983 et 2005, contre le pouvoir central de Khartoum. Six mois après avoir arraché un accord de paix prévoyant un référendum d’autodétermination, le chef de guerre avait péri dans un supposé accident d’hélicoptère.

Un lieu de mémoire public

Il n’assiste donc pas à l’aboutissement de sa lutte, l’indépendance du Soudan du Sud effective le 9 juillet 2011. C’est néanmoins à quelques mètres de sa sépulture que le drapeau soudanais fut rendu par son successeur, Salva Kiir, à l’ex-président du Soudan, Omar El Béchir. Dans la foulée, l’étendard sud-soudanais fut hissé pour la première fois.

« Cet endroit appartient à tout le monde. Je ne voulais pas confisquer son corps mais l’offrir au peuple sud-soudanais. C’est pour cela que j’ai accepté qu’il soit enterré dans la capitale. Sinon, il aurait été inhumé dans notre région d’origine, à Bor », dans l’État de Jonglei, explique la veuve de John Garang, Rebecca Nyandeng de Mabior, seule femme parmi les cinq vice-présidents en poste depuis 2020.

Déjà historique pour avoir abrité une bataille décisive entre 1991 et 1992, ce lieu placé sous le contrôle de l’armée héberge toutes les célébrations et tractations majeures. L’accord de paix passé le 3 octobre 2020 entre le gouvernement soudanais et plusieurs groupes rebelles de ce pays y a par exemple été signé. C’est aussi là que sont commémorés, chaque année, l’Indépendance ou encore le Jour des martyrs, fixé à la date du décès du « Docteur Garang ».

Un futur musée

« La présence du pape et ses prières vont ajouter du crédit à cet espace en lui conférant un caractère sacré qui obligera chacun à le respecter », souligne Chol Akuai. Le responsable de la zone avait été nommé garde du corps de John Garang au début de la guerre, un poste qu’il a conservé jusqu’à sa mort. Il supervise désormais, via son entreprise Atungdiak, un méga-projet de transformation du mausolée.

Les travaux commenceront après la visite du pape et devraient s’achever début 2024. Ils comprennent entre autres la construction d’un panthéon au-dessus de la dépouille et le creusement de trois larges bassins, alimentés par des cascades décoratives.

Un musée dédié à John Garang et à ses frères d’armes devrait suivre « pour éviter que les prochaines générations oublient d’où elles viennent », insiste la ministre de la culture, Nadia Arop Dudi, en quête des fonds nécessaires. Et la vice-présidente Rebecca Nyandeng de Mabior de conclure : « La tombe de ceux que vous aimez vous rappelle sans cesse que leur corps a beau être parti, leur esprit reste vivant. »

Sa peine demeure intacte près de deux décennies après le départ brutal de son mari. C’est toute une nation qui partagera son deuil, une nouvelle fois, durant les célébrations du pape.

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