aucune gifle n’a entravé la marche triomphale d’« Everything Everywhere All at Once »


Jamie Lee Curtis, James Hong, Ke Huy Quan, Michelle Yeoh, Jonathan Wang, Daniel Kwan, Stephanie Hsu, et Daniel Scheinert, lauréats du prix du meilleur film pour « Everything Everywhere All at Once » lors de la 95e cérémonie annuelle des Oscars, à Hollywood (Californie), le 12 mars 2023.

Mission accomplie : une cérémonie des Oscars sans gifle. Comme dans une usine où, à la fin de chaque journée, on note le nombre de jours sans accident du travail sur un tableau, le présentateur Jimmy Kimmel a noté, en quittant la scène du Dolby Theatre, dimanche 12 mars : « 1 cérémonie sans incident. » Will Smith était banni, après son geste contre l’humoriste Chris Rock l’année dernière, et tout le monde s’est bien tenu à Hollywood – malgré la durée comme toujours excessive de l’émission (plus de 3 h 30).

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Rien n’est donc venu perturber le triomphe sans partage d’Everything Everywhere All at Once : meilleur film, meilleurs réalisation et scénario original pour Daniel Kwan et Daniel Scheinert, meilleure actrice pour Michelle Yeoh, meilleurs seconds rôles pour Jamie Lee Curtis et Ke Huy Quan, meilleur montage. Sept récompenses pour onze nominations.

Les votants n’ont pas été rebutés par la construction originale et déroutante du long-métrage, qui retrace de manière inédite l’expérience immigrante à travers l’histoire d’Evelyn Wang, patronne lessivée d’une laverie automatique. Et ils ont effectué un pas de géant pour la représentation asiatique à Hollywood (Parasite a certes obtenu l’Oscar en 2020, mais il s’agissait d’un film sud-coréen) : jusqu’ici, seuls quatre acteurs ou actrices d’origine asiatiques avaient été récompensés. Michelle Yeoh n’a pas manqué de remercier l’Académie pour « tous les petits garçons et filles qui me ressemblent et qui sont en train de regarder ce soir. C’est un signal d’espoir et de possibilités ».

Mais le succès d’Everything Everywhere All at Once a aussi permis aux Oscars de saluer des figures du film de genre souvent ignorées par l’Académie. Jamie Lee Curtis, d’abord, qui a fait ses armes dans l’horreur (Halloween) et la comédie (True Lies) et ne s’y est pas trompé : « A toutes les personnes qui ont soutenu les films de genre que j’ai faits pendant toutes ces années, ces milliers, ces centaines de milliers de personnes. Nous venons de gagner un Oscar ensemble ! » Mais aussi Michelle Yeoh, superstar du film d’action (Tigre et Dragon). Toutes les deux étaient nommées pour la première fois, à plus de 60 ans – « Mesdames, ne laissez personne vous dire que vous n’êtes plus fraîche », a commenté Michelle Yeoh.

« C’est ça, le rêve américain »

Représentation, donc, mais aussi rédemption pour Brendan Fraser, star déchue de la comédie – « j’ai longtemps choisi la facilité », a-t-il reconnu –, qui a brisé sa longue traversée du désert avec The Whale de Darren Aronofsky et un Oscar du meilleur acteur. Le film n’a pas reçu un bon accueil de la critique, mais son interprète a touché les votants.

Pour compléter cette cérémonie hollywoodienne, il ne manquait que le rêve américain, celui de Ke Huy Quan, enfant dans Indiana Jones et les Goonies, qui avait abandonné les plateaux. L’acteur d’origine vietnamienne s’est souvenu que son « parcours a commencé sur un bateau. J’ai passé un an dans un camp de réfugiés et je me retrouve ici sur la plus grande scène d’Hollywood. On dit que des histoires comme celle-ci n’arrivent que dans les films. Je ne peux pas croire que ça m’arrive à moi. C’est ça, le rêve américain ».

En résumé, Hollywood a fait du Hollywood, quitte à oublier Steven Spielberg et ses Fabelmans qui repartent bredouilles, comme Cate Blanchett et Tar. Sarah Polley obtient, elle, le prix de la meilleure adaptation pour Women Talking, mais seul A l’Ouest, rien de nouveau, d’Edward Berger, est parvenu à exister face à la tornade Everything… avec quatre prix, dont celui du meilleur film étranger. Netflix sauve du coup la face derrière le studio indépendant A24 (qui a produit Everything Everywhere All at Once et The Whale, neuf prix au total), et décroche au total six récompenses.

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Et la cérémonie ? « A ce stade de l’émission, les gifles nous manquent un peu », a reconnu son présentateur aux deux tiers du parcours. Beaucoup de sérieux, à l’image de Lady Gaga au naturel en simples t-shirt et jeans troué noirs pour interpréter la chanson de Top Gun. Maverick. La seule fantaisie est venue, encore, d’Asie, grâce à l’irruption sur scène de Bollywood, ou plutôt de Tollywood (l’industrie du cinéma indien en langue télougou). L’interprétation de la chanson Naatu Naatu du film RRR a emporté l’assistance avant de ravir l’Oscar à Rihanna et Lady Gaga, donc. Leurs auteurs ont eu du mal à le croire.

Le palmarès complet

  • Meilleur film : Everything Everywhere All at Once
  • Meilleur réalisateur : Daniel Kwan et Daniel Scheinert, Everything Everywhere All at Once
  • Meilleure actrice : Michelle Yeoh, Everything Everywhere All at Once
  • Meilleur acteur : Brendan Fraser, The Whale
  • Meilleure actrice dans un second rôle : Jamie Lee Curtis, Everything Everywhere All at Once
  • Meilleur acteur dans un second rôle : Ke Huy Quan, Everything Everywhere All at Once
  • Meilleur scénario original : Daniel Kwan et Daniel Scheinert, Everything Everywhere All at Once
  • Meilleur scénario adapté : Sarah Polley, Women Talking
  • Meilleure musique originale : Volker Bertelmann, A l’Ouest, rien de nouveau
  • Meilleure chanson originale : Naatu Naatu, RRR
  • Meilleur film d’animation : Pinocchio
  • Meilleur film étranger : A l’Ouest, rien de nouveau (Allemagne)
  • Meilleur documentaire : Navalny
  • Meilleurs maquillages et coiffures : Adrien Morot, Judy Chin et Annemarie Bradley, The Whale
  • Meilleurs costumes : Black Panther. Wakanda Forever
  • Meilleurs décors : A l’Ouest, rien de nouveau
  • Meilleure photographie : James Friend, A l’Ouest, rien de nouveau
  • Meilleur montage : Paul Rogers, Everything Everywhere All at Once
  • Meilleur son : Top Gun : Maverick
  • Meilleurs effets spéciaux : Avatar. La Voie de l’eau
  • Meilleur court-métrage : An Irish Goodbye
  • Meilleur court-métrage documentaire : The Elephant Whisperers
  • Meilleur court-métrage d’animation : L’enfant, la taupe, le renard et le cheval

Le Monde



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