Aux assises de Paris, un ancien gendarme rwandais, naturalisé français, comparaît pour « génocide »


Commémoration du massacre de Nyanza au Mémorial du génocide de Kigali, le 2 mai 2019.

Un procès hors normes s’ouvre, mercredi 10 mai, devant la Cour d’assises de Paris. Philippe Hategekimana, naturalisé français en 2005 sous le nom de Philippe Manier, est accusé d’avoir « participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivies de leur disparition, de tortures et d’actes inhumains » à Butare, dans le sud du Rwanda, entre avril et juillet 1994, selon l’accusation.

L’ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza, âgé aujourd’hui de 66 ans, est poursuivi pour « génocide, crimes contre l’humanité et participation à une entente » en vue de la préparation de ces crimes. Son procès, au cours duquel une centaine de témoins seront cités à la barre, dont une partie venue spécialement du Rwanda, doit s’achever le 28 juin. C’est le quatrième en France en lien avec le « crime des crimes » commis au Rwanda au printemps 1994.

D’après l’ordonnance de mise en accusation, un document de 170 pages que Le Monde a pu consulter, Philippe Hategekimana est accusé d’avoir joué « un rôle important dans la perpétration du génocide des Tutsi ». Les faits étant imprescriptibles, l’accusé encourt une peine de prison à perpétuité. Selon les plaignants, Philippe Hategekimana aurait usé « des pouvoirs et de la force militaire qui lui étaient conférés par son grade afin de commettre et participer en tant qu’auteur au génocide », qui a fait près d’un million de morts. Il aurait « activement participé à l’organisation des exterminations à Nyanza et dans les villages alentour » avec d’autres dirigeants locaux et les gendarmes de sa brigade.

« Filtrer » la population

La Cour devra notamment déterminer son éventuelle responsabilité dans les meurtres de plusieurs Tutsi placés sous ses ordres ainsi que du bourgmestre Narcisse Nyagasaza, qui s’était opposé à la mise en œuvre des massacres dans sa commune. Elle devra également faire la lumière sur les morts de « Maman Augustine », une religieuse, de l’abbé Mathieu et de trois cents Tutsi réfugiés sur la colline de Nyamugari.

Philippe Hategekimana est également mis en cause dans l’érection de barrières dans la commune de Nyanza. Ces barrages, constitués de pierres et de branchages, étaient organisés par des militaires et des miliciens Interahamwe pour « filtrer » la population : des centaines de Tutsi y ont perdu la vie. « Nous attendons de ce procès que la vérité sorte enfin et que l’accusé réponde de ses actes, espère Alain Gauthier, président du Collectif pour les parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association faisant partie de la quarantaine de parties civiles. Les charges qui pèsent contre lui sont très lourdes. »

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