Aux rassemblements parisiens contre la guerre à Gaza, un kaléidoscope de motivations


Lors d’une manifestation contre la guerre à Gaza, à Paris, le 18 novembre 2023.

« Pourquoi je manifeste pour la Palestine ? » L’homme lève un sourcil, réfléchit un instant : « Ce qu’il faut se demander, c’est pourquoi nous ne sommes pas plus à le faire. Pour toute personne de gauche, pour tout humaniste, c’est une cause évidente. Et pas seulement en ce moment. » René, 65 ans, est un jeune retraité. Tous les samedis depuis début octobre, à Paris, il descend dans la rue. Qu’il pleuve, qu’il vente, que la manifestation soit interdite ou pas, il est là. Comme la plupart des autres manifestants, il préfère ne pas donner son nom de famille, « pour ne pas avoir d’ennuis dans [s]on quartier. Les gens sont tellement tendus qu’il est difficile d’avoir une discussion sur le sujet ».

René s’est déjà rendu à plusieurs reprises dans les territoires palestiniens pour des missions de solidarité avec diverses organisations, dont l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), notamment durant la cueillette des olives, souvent perturbée par les colons en Cisjordanie. Une forme de tourisme engagé qui s’est développé à partir de la deuxième Intifada, en 2000.

L’AFPS, qui est l’association la plus investie sur le long terme et la plus crédible sur la question palestinienne en France, repose sur un réseau solide mais vieillissant d’un peu plus de quatre mille militants, qui forment le noyau dur des mobilisations actuelles contre la guerre menée par Israël à Gaza. Le militant type de l’AFPS est un homme ou une femme de plus de 60 ans sans lien familial, religieux ou communautaire avec le monde arabo-musulman. On y trouve beaucoup de fonctionnaires et d’enseignants, de militants syndicaux. En bref, la gauche historique.

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Pour la première fois depuis le 7 octobre, la gauche a défilé au complet samedi 18 novembre, malgré une mobilisation relativement faible – autour de quarante mille personnes à Paris les trois premiers samedis de novembre. Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, et Mathilde Panot, cheffe de file des députés de La France insoumise, étaient présents. La dégradation dramatique de la situation des civils dans la bande de Gaza a fait taire provisoirement les dissensions qui avaient suivi le 7 octobre sur la qualification du Hamas comme mouvement terroriste ou de résistance.

Les femmes présentes en nombre

Schématiquement, on trouve deux publics aux manifestations pour la Palestine : ceux qui sont venus par conviction et ceux qui viennent par identification. Les premiers sont issus du militantisme politique, syndical ou associatif, y compris chez les jeunes. Les seconds, qui se mobilisent surtout en périodes de crises, sont là par affinité culturelle, linguistique ou religieuse. C’est un public moins structuré idéologiquement, mais acculturé dès la prime jeunesse à la question palestinienne. Pour ces immigrés et descendants d’immigrés nord-africains, les Palestiniens ne sont pas des étrangers lointains, mais des cousins dont le sort est parfois vu comme un reflet paroxystique de leur propre situation, quel que soit l’âge ou le statut social.

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