Cap Optimist (Lima – Moorea en paddle) : larmes et record pour les waterwomen


À quelques centaines de mètres du but, Stéphanie Barneix enfouit sa tête contre son prone paddle. Émue, la Landaise savoure son dernier relais avant de relever la tête. Ses yeux embués de larmes fixent la plage de Temae, sur l’île de Moorea, en face de Tahiti. L’y attend l’arche d’arrivée de l’expédition Cap Optimist, longue de 8 000 km et débutée à Lima, au Pérou, le 4 janvier. Une traversée de l’océan Pacifique réalisée avec cinq autres nageuses. Un défi sportif hors normes à vocation humanitaire : les fonds levés serviront à promouvoir le sport-santé auprès des jeunes, et à aider les enfants qui luttent contre des cancers.

Un marathon par jour

Eau transparente, faune luxuriante, dauphins à leur approche : un cadre paradisiaque attendait les six filles et cinq membres de l’équipage à Moorea, dans une ambiance presque mystique. « C’est le mana, ce pouvoir sacré ancré dans la culture locale ! Il était avec nous », sourit Alexandra Luz, championne du monde de sauvetage côtier en 2010, dans la dernière ligne droite. Sur la plage, des centaines de personnes – spectateurs, bénévoles enfants – s’impatientent. « On assiste à un exploit ! », s’ébahit Christelle Gauzet, vainqueur de Koh-Lanta et présidente des raids Défi d’Elles. Quatre heures de rame/jour chacune : la cheffe d’expédition, Alexandra Le Mouel, compare cela à un marathon quotidien.

À 10 heures, les nageuses mettent enfin pied à terre. L’émotion des retrouvailles avec les familles est immense. Tellement qu’on en oublierait presque de rallier l’arrivée. « Venez, sinon ça n’aura servi à rien ! », plaisante la speakerine. Sous des applaudissements nourris, l’expédition Cap Optimist est proclamée la plus longue jamais réalisée sur une planche prone paddle board de 12 à 15 pieds (entre 3,6 et 4,5 mètres). Une performance qui devrait bientôt figurer au Guinness World Records.

Plus de 400 000 € récoltés

Les waterwomen n’étaient pas attendues en Polynésie le 25 mars. Les bénévoles ont dû appeler Air Tahiti plus tôt que prévu pour leur venue. « Nous avons été préparées physiquement et mentalement pour 90 jours, mais avec les conditions favorables, on a avancé rapidement », reprend Alexandra Lux, déjà dans le Guinness World Records grâce à sa traversée de l’Atlantique Nord en paddle board. Ce furent finalement 80 jours d’un intense combat avec soi-même. « Physiquement tu peux prendre ton rythme, mais le plus dur, c’est le mental. Quand tu passes les 4 000 km, il reste encore la moitié, tu as la fatigue d’un mois… Il a fallu persévérer et faire ça en équipe », raconte Itziar Abascal, championne du monde de paddle board longue distance en 2019.

« J’ai peur de la nuit, des animaux qu’il peut y avoir en dessous »

D’autres ont dû vaincre leurs démons, comme Margot Clavet. « J’ai peur de la nuit, des animaux qu’il peut y avoir en dessous, confie la nageuse de Capbreton. Mais j’ai réussi à prendre du plaisir ! À apprécier le silence, les ciels étoilés, les confessions avec l’équipage… »

Moorea, en Polynésie française, lagon d'arrivée. (K. Domingo)

Moorea, en Polynésie française, lagon d’arrivée. (K. Domingo)

À quoi pense-t-on sur une planche en plein océan Pacifique à 2 heures du matin ? À ses proches, mais aussi aux enfants malades aidés à travers les dons. « Ils se battent tous les jours contre la maladie, on devait le faire aussi », témoigne Itziar. « Quand on voit l’engouement des gens qui nous remercient… On se dit qu’on a apporté quelque chose à quelqu’un et c’est le plus beau », s’émeut Marie Goyeneche, benjamine de l’expédition à 22 ans. Environ 400 000 euros ont pour l’heure été levés. Ils aideront les enfants qui luttent contre la maladie, avec notamment l’installation de modules d’activités physiques dans les hôpitaux.

« Il y a de la satisfaction, mais c’est aussi la fin de quelque chose », ajoute Stéphanie Barneix. Survivante de quatre cancers, elle fait figure de modèle pour ceux qu’elle aide. Et de conclure en les invitant à la suivre sur les chemins qu’elle trace, reprenant les mots de Martin Luther King : « Croyez en vos rêves et ils se réaliseront peut-être. Croyez en vous et ils se réaliseront sûrement. »



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