Dans l’Aveyron, trois générations de négociants d’agneaux racontent l’évolution de leur profession


Tous deux emmitouflés dans une cape épaisse, Jacques et Alice Greffeuille pénètrent dans la chambre froide où la température avoisine les 2,5 °C. Comme chaque matin, près de quatre cents carcasses d’agneaux sont stockées dans les frigos de l’entreprise qui porte leur nom à Capdenac-Gare, dans l’Aveyron. Pendant deux heures, parfois trois, le père et la fille parcourent les rangées, observent, soupèsent et palpent les carcasses avant de les déplacer d’un crochet à l’autre pour les regrouper selon les bons de commande.

« Ça va vous paraître très abstrait, sourit Alice, mais notre passion commune, avec mon père, se trouve au frigo. » Cette étape déterminante, « au froid », leur permet « de sélectionner la bonne carcasse pour le bon client » en fonction de ses exigences en matière de qualité. C’est tout un savoir-faire qui s’est transmis depuis plus d’un siècle et sur quatre générations.

Mardi 7 février, le grand-oncle André, le père Jacques et la fille Alice racontent l’histoire de leur entreprise qui, passée de deux à quarante-cinq salariés, a réussi à se maintenir sur un marché pourtant largement déstabilisé par la concurrence et la mondialisation.

Jacques et Alice Greffeuille, dans les frigos de l’abattoir de l’entreprise familiale à Capdenac-Gare (Aveyron), le 7 février 2023. Le père et sa fille passent quotidiennement en moyenne deux à trois heures dans les frigos de l’abattoir pour « sélectionner la bonne carcasse pour le bon client ».

Cet attachement pour la revente d’animaux leur vient de l’arrière-grand-père, Henri. La légende familiale raconte qu’au début du XXsiècle, âgé de 17 ans, il réclame une pièce de monnaie à ses parents pour aller à la foire acheter sa première bête. Plus tard, il en achètera une deuxième, puis une troisième… Et finira par en faire son métier. A sa mort, en 1957, deux de ses enfants, Michel et André, reprennent l’affaire. Les deux frères ont travaillé toute leur vie ensemble et « s’engueulaient tous les jours », aime rappeler André. « Mais quand on ne se voyait pas pendant trois jours, on s’ennuyait. »

Méthode traditionnelle

A l’époque où les deux frères se sont lancés, éleveurs et commerçants n’avaient qu’à « se taper dans la main pour conclure une vente », se souvient Jacques, âgé aujourd’hui de 70 ans. « Ils annonçaient un prix et tout le monde tombait d’accord. Maintenant, la relation entre les gens a changé, il faut justifier en permanence, faire des contrats… », regrette-t-il.

Alors qu’ils avaient toujours vendu du veau et de l’agneau vivants, Michel et André décident dans les années 1970 de se spécialiser dans l’activité ovine, plus rémunératrice, et de se concentrer sur la méthode traditionnelle aveyronnaise d’élevage d’agneaux sous la mère en bergerie. De sa naissance jusqu’au moment où il part à l’abattoir, l’agneau tète le lait de sa mère. « C’est ce qui fait que la viande est tendre et qu’elle n’est pas forte en goût, comme on l’entend parfois au sujet de l’agneau », souligne Alice.

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