Dans les médias, des rédactions encore trop « monochromes »


La date n’a pas été choisie par hasard. L’Association des journalistes antiracistes et racisé.e.s (AJAR) a officialisé son acte de naissance dans une tribune publiée par Libération le 21 mars, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, proclamée en 1966 par les Nations unies.

Journalistes pour la radio, la télévision, la presse écrite ou encore photographes, 170 personnes signent ce texte appelant « les rédactions et les écoles [de journalisme] à prendre leurs responsabilités (…) face au constat du racisme et du manque de représentation dans les médias », se sentant d’autant plus concernés qu’ils l’ont rencontré ou en ont été témoins de par leurs « origines ethniques », « couleurs de peau », ou leurs « religions ».

Selon une enquête du SNJ-CGT sur le racisme dans les rédactions, 24,2 % des 167 personnes interrogées déclarent en avoir été directement victimes et 47,1 % en avoir été témoins. Toujours dans la même enquête que Le Monde a pu consulter avant qu’elle soit révélée le 28 mars aux Assises du journalisme de Tours, 44 % des personnes interrogées déclarent avoir déjà été victimes de discriminations au travail (liées au genre, à l’orientation sexuelle, à la religion, aux origines).

Les écoles de journalisme pointées du doigt

Deux journalistes de 26 ans (Arno Pedram, qui exerce pour France 24 et Infomigrants, et Khedidja Zerouali, de Mediapart) sont à l’initiative de l’AJAR. En l’espace de quelques mois, ils sont arrivés à fédérer des organisations syndicales (SNJ et SNJ-CGT) et des visages connus tels que le producteur Ali Rebeihi, la chroniqueuse Rokhaya Diallo, le producteur Sébastien Folin ou la journaliste Nora Hamadi.

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Exaspérés par des couvertures médiatiques stéréotypées, les deux jeunes disent avoir été bouleversés par des témoignages de remarques xénophobes au sein des entreprises de presse. La faute à des rédactions encore trop « monochromes » aujourd’hui, c’est-à-dire très majoritairement blanches. Et ce même si les statistiques ethniques étant fortement contrôlées en France, il n’existe pas d’études chiffrées de la composition sociale ou ethnoraciale des rédactions.

Les écoles de journalisme sont souvent pointées du doigt. Les concours conduisent à une reproduction des élites, à peu de diversité sociale et ethnoculturelle, à une surreprésentation des étudiants venant de sciences politiques, même si les établissements travaillent aujourd’hui à gommer cela en recrutant davantage de boursiers.

Le fonctionnement des rédactions et la politique de recrutement doivent aussi être revus. D’ailleurs certaines ont mis en place des politiques promouvant des alternants qui ne viennent pas forcément d’écoles de journalisme reconnues. « On veut qu’au-delà des discours, il y ait des actes », proclame Khedidja Zerouali, estimant qu’il en va de la bonne représentation de la société française dans toutes ses composantes. « Pour sortir de l’entre-soi, il faut plus de transparence et des critères de recrutement basés sur des compétences dans un vrai processus d’intégration », avance Pascale Colisson, responsable pédagogique de la formation par alternance à l’Institut pratique du journalisme de Dauphine (IPJ)-PSL.

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