deux référés-suspension à leur tour examinés au Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat, à Paris, en juin 2023.

L’abaya est de retour au Conseil d’Etat. Moins de deux semaines après le rejet d’une requête en référé-liberté contre la note de service du 31 août du ministère de l’éducation nationale interdisant le port de l’abaya et du qamis dans l’espace scolaire, la chambre du contentieux de la plus haute instance judiciaire administrative a examiné, mardi 19 septembre, deux référés-suspension sur le même sujet. Les deux requêtes, identiques, étaient portées, pour l’une, par les organisations de lycéens La Voix lycéenne et Le Poing levé, et, pour l’autre, par le syndicat enseignant SUD-Education.

Le ministère de l’éducation nationale, représenté par son directeur des affaires juridiques, Guillaume Odinet, un ex-maître des requêtes au Conseil d’Etat, a demandé que la requête de SUD-Education soit jugée irrecevable, au motif que les syndicats d’agents de l’Etat ne sont pas habilités à contester les directives internes et que la note de service en question − que le président du tribunal préférait nommer « circulaire » − n’affectait pas les conditions d’emploi et de travail des agents de l’Etat.

Une fois cette escarmouche terminée, les débats sont entrés dans le vif du sujet : à savoir, y a-t-il « urgence » à suspendre la note de service interdisant l’abaya et porte-t-elle une « atteinte grave et immédiate » aux intérêts des requérants ? Pour leurs avocates, Mes Lucie Simon et Clara Gandin, l’urgence se justifie par les « exclusions, dont certaines sans dialogue préalable », d’élèves, exclusions qui engendrent « mal-être psychologique et stigmatisation ». « Au moment où l’on a déposé notre requête [le 3 septembre], on alertait sur un risque. Aujourd’hui, ce risque est avéré. (…) Il y a maintenant des dérives », ont-elles martelé.

« Vêtement religieux par essence »

Pour le représentant du ministère, l’urgence ne se justifie pas : de trois cents élèves refoulées de classe le jour de la rentrée, on est passé à « neuf cas mardi dernier [le 12 septembre] et cinq hier [lundi 18 septembre] ». « Aucune sanction disciplinaire n’a été prononcée », a ajouté M. Odinet. Les avocates s’inscrivent en faux : « Il y a eu des exclusions anté-procédure disciplinaire. »

La suite de l’audience, consacrée à l’« atteinte aux droits fondamentaux », a donné lieu à des débats denses et passionnants. Pour les représentantes des requérants, la note de service opère un changement fondamental : jusque-là, et en vertu d’une circulaire de l’automne 2022, l’abaya était considérée comme un « signe religieux par destination », en fonction du comportement de celle qui la porte. La décision du ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, de la bannir complètement et systématiquement fait d’elle un « vêtement religieux par essence », alors que le statut de cette robe traditionnelle est controversé parmi les prédicateurs et théologiens. Un tel changement, selon Me Gandin, est une immixtion de l’Etat dans le culte, en violation de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905.

Il vous reste 40.01% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Lien des sources