D’un RIP à l’autre, le baroud d’honneur des opposants



Double revers pour les oppositions de gauche et les syndicats : outre la validation du report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, le Conseil constitutionnel a aussi rejeté une première proposition de référendum d’initiative partagée (RIP). Cette proposition de loi référendaire, dans laquelle la gauche plaçait beaucoup d’espoirs, visait à imposer que l’âge légal de départ « ne peut être fixé au-delà de 62 ans ».

Jeudi soir, sans attendre que les sages livrent leur verdict, les sénateurs socialistes, écologistes et communistes ainsi que les députés de la Nupes ont présenté une nouvelle demande de RIP, conscients des « fragilités juridiques » de leur première version.

Les parlementaires de gauche pressentaient en effet la décision des sages qui, dans leur décision, soulignent que la première proposition « n’emportait aucun état de changement du droit et ne (pouvait) être analysée comme une réforme » au sens prévu par le 1er alinéa de l’article 11 de la Constitution. De fait, le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans n’ayant pas encore été promulgué au moment de la saisine du Conseil constitutionnel, ce RIP revenait à maintenir la borne de 62 ans qui prévaut aujourd’hui. « Il n’y avait pas de changement de l’état du droit », insiste-t-on Rue de Montpensier, siège du Conseil constitutionnel.

Auditionnés le 4 avril, les requérants emmenés par le sénateur PS ­Patrick ­Kanner avaient plaidé pour une interprétation extensive du terme de « réforme ». Les promoteurs de la mesure ne manquent pas de rappeler que le Conseil constitutionnel avait jugé, en 2019, que le RIP contre la privatisation d’ADP (Aéroports de Paris) relevait bien de « la politique économique de la nation ». « Il s’agissait néanmoins de transformer ADP en service public national : les sages ont jugé qu’il s’agissait donc bien d’une réforme », explique-t-on du côté du Conseil constitutionnel.

C’est pour cela que, dans leur deuxième tentative d’interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans, les élus de gauche ont incorporé un article 2 prévoyant de « sécuriser le financement de la retraite par répartition » par des « taxes sur les plus-values sur titres, rachats d’actions et dividendes ».

En octobre dernier, les sages avaient rejeté une proposition de RIP instituant une taxe sur les super-profits. « Cela a été trop vite compris comme le fait qu’il (le Conseil constitutionnel) excluait la fiscalité du domaine des réformes possibles, explique-t-on Rue de Montpensier. Mais ce n’est pas vrai : il a seulement considéré que cette taxe, provisoire et limitée à quelques entreprises ne changeait pas l’état du droit. »

Cette interprétation de la décision d’octobre peut donc donner des espoirs aux parlementaires de gauche qui, dans leur nouvelle proposition, invitent en effet à modifier en profondeur le financement des retraites, jusqu’ici essentiellement basé sur les revenus du travail.

En cas de validation par le Conseil, qui doit se prononcer le 3 mai, s’ouvrirait alors une séquence inédite de neuf mois où les opposants au projet de réforme des retraites de l’exécutif battraient la campagne pour recueillir le seuil des 4,9 millions (10 % du corps électoral) de signatures préalables à un éventuel référendum. Puis, après vérification de la validité de ces signatures par le Conseil constitutionnel, le Parlement aurait encoresix mois pour examiner la proposition de loi référendaire. À défaut, un référendum devrait être organisé.

Neuf mois de campagne référendaire, puis six mois de débats parlementaires, cela nous projetterait en septembre 2024. « Tout le monde aura les yeux rivés sur l’élection présidentielle, pronostique le politologue ­Bruno ­Cautrès, chercheur au Cevipof. La loi aura été promulguée depuis près d’un an et demi, puisque le RIP n’a pas d’effet suspensif. Autant dire qu’elle aura fait son entrée dans la vie quotidienne des Français. »



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