Emmanuel Macron célèbre Toussaint Louverture



C’est au château de Joux, où Toussaint Louverture fut emprisonné jusqu’à sa mort en avril 1803, que le président de la République a rendu hommage jeudi 27 avril au « Spartacus noir » qui guida Saint-Domingue vers la liberté. Dans un discours d’une vingtaine de minutes, Emmanuel Macron a ravivé le souvenir de cet «homme libre et français », honoré par une inscription au Panthéon depuis 1998. « Esclave de plantation devenu soldat de la révolution puis général de la République », incarnant « le triomphe de la volonté sur la fatalité ».

Toussaint Louverture est né dans l’esclavage le 20 mai 1743 à la plantation de Bréda, de parents originaires du Bénin. Rappelant cette terrible assignation, le chef de l’État a souligné la détermination de celui qui « transforma cette condition en ambition ». Il devint tour à tour le second du gérant de la plantation, puis cavalier émérite, enfant des Lumières dont il se nourrissait, et de la Révolution dont « il voulut toujours faire triompher l’idéal ». Affranchi en 1776, Toussaint Louverture s’éleva dans la société : en 1789, il savait lire et écrire, s’était enrichi et possédait même quelques esclaves. Ces faits, attestés par des documents et absents du discours présidentiel, alimentent encore aujourd’hui un débat. Mais de nombreux historiens y voient un faux procès, un regard moral posé sur une époque déterminée par les relations esclavagistes.

Quand, à partir du mois d’août 1791, souffle sur l’île des Caraïbes la révolte des esclaves noirs, Toussaint Louverture combat avec eux, « duranttrois longues années, tous ceux qui s’opposaient à la liberté des siens », a rappelé ­Emmanuel ­Macron, soulignant l’écho entre son courage et les grandes voix de la Convention qui votèrent la première abolition de l’esclavage le 4 février 1794. « ­Toussaint Louverture s’efforça de donner vie à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. » Cette déclaration, a-t-il repris, « qui n’a jamais cessé d’être neuve ».

Son héritage, le président de la République a pris soin ensuite de le préciser. « ­Toussaint ­Louverture avait compris que la seule insoumission était vaine. Voilà pourquoi, contre les autres chefs de la révolte des esclaves, il prit le parti de la révolution. Oui, la révolution et non l’insurrection, la liberté plutôt que la destruction, l’ordre au-dessus du chaos. » Rallié un temps au royaume d’Espagne, ­Toussaint ­Louverture a rejoint le camp français dès l’abolition proclamée. Nommé général de Saint-Domingue en 1801, il élabore une Constitution pour affirmer l’autonomie de l’île et s’autoproclame gouverneur à vie. Dans le code de l’agriculture, les travailleurs sont libres mais demeurent attachés à la plantation et obligés de produire.

Évoquant les combats qu’il mena pour libérer l’île des forces étrangères, « fidèle à ses convictions jusqu’à la tragédie », ­Emmanuel ­Macron a vanté sa résistance quand ­Napoléon ­Bonaparte, pour rétablir l’esclavage, «dépêcha 40 000 de ses meilleurs hommes» en 1802. Un combattant « assiégé, bombardé, affamé » et qui chantait encore La Marseillaise face aux troupes venues rétablir l’ordre ancien. Arrêté puis déporté au fort de Joux sur ordre de ­Bonaparte, il lui fut retiré jusqu’à son nom, « ­Louverture », gagné par sa capacité à créer des brèches dans les lignes ennemies.

La leçon de ce « héros » qui entendait bâtir une « République universelle », c’est d’avoir préféré la concorde à la vengeance, a encore martelé le président de la République. Citant Talleyrand comparant les hommes à des statues qu’il fallait voir en place, il a conclu, dans une allusion aux dégradations récentes de sculptures en lien avec l’histoire de la colonisation : « Ainsi, ­Toussaint ­Louverture s’est imposé dans nos mémoires collectives et cette statue-là est indéboulonnable. » Inspirateur des luttes américaines, précurseur de la nation haïtienne – qui déclare son indépendance le 1er janvier 1804 –, il a montré au monde l’irrépressible aspiration des peuples à devenir « une nation libre et indépendante ». Sur la Route des abolitions qui relie des sites ayant un lien fort avec l’histoire de l’esclavage en France, ­Emmanuel ­Macron a voulu, pour finir, dessiner le chemin parcouru pour la reconnaissance de cette figure républicaine et des victimes de l’esclavage, auxquelles un mémorial, en chantier depuis des années, devrait rendre hommage. « Notre route n’est pas terminée », a-t-il ajouté, avant de citer la devise de ­Toussaint ­Louverture, « Doucement, aller loin », et de terminer son discours par cette adresse, sans doute inspirée par le climat politique actuel : « Prendre le temps de l’éducation et du dialogue, de la concorde et du respect mais viser haut. Ce mot, faisons-le nôtre. »



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