Emmanuel Macron invoque l’histoire pour faire oublier la crise


Le chef de l’État s’est rendu lundi en Normandie, pour fêter les 1000 ans de la fondation de l’abbaye, symbole de «l’esprit français» de «résistance».

Envoyé spécial au Mont-Saint-Michel

Tour de france de l’apaisement, étape mémorielle. À cinq semaines de la fin des cent jours qu’Emmanuel Macron s’est donné pour pacifier le pays, le voilà qui s’arrête en Normandie. Au Mont-Saint-Michel précisément, symbole de «l’esprit français» de «résilience» et de «résistance», point de passage obligé pour tout président de la République en quête de hauteur de vue, de profondeur historique, de distance, aussi, avec les vicissitudes ordinaires de la vie politique. Ces dernières poursuivent Emmanuel Macron, qui affronte mardi une nouvelle journée de grèves et de manifestations contre sa réforme des retraites.

Aux abords du Mont-Saint-Michel, quelques habitants du coin ayant connaissance de la visite présidentielle tentent de rallier le monument pour essayer de l’interpeller lorsqu’il remontera vers l’abbaye. Elle est bien sécurisée, cependant, comme tous les lieux qu’arpente le président de la République depuis le début de son tour de France. Ici à Dunkerque, pour vanter la réindustrialisation du pays ; là-bas à Versailles pour se réjouir de l’engouement des investisseurs étrangers pour la France ; ailleurs à Montpellier pour défendre ses projets pour l’éducation.

«Un peuple de conquérants et de bâtisseurs»

Partout ses opposants tentent de perturber ses visites. Mais la contestation faiblit. «Au mitan des cent jours, le vent commence à tourner. Ça s’effiloche à l’Assemblée», assure un proche du président. Le groupe Liot n’a pas réussi à abroger la réforme des retraites. «La manœuvre ne cristallise pas un soutien aussi franc que le rejet du texte était fort», observe-t-on dans l’entourage du président. Lui-même se montre relativement optimiste. «Les choses sont plus calmes qu’elles ne l’ont été», observe-t-il depuis le barrage qui régule le Couenon pour empêcher l’ensablement du Mont. Il est venu observer l’ouvrage.

Dans le bocage normand alentour, des grappes de gendarmes apparaissent de-ci de-là, à la recherche d’un coin d’ombre où échapper au soleil. Quant à accéder au Mont-Saint-Michel, le système de navettes qui le dessert garantit le contrôle des visiteurs. Il ne faudrait pas qu’une casserolade surgisse et perturbe la visite. De toute façon, il n’y a que des touristes.

Le Mont- Saint-Michel est l’alliage de l’enracinement et de l’audace de l’homme, de la nature et du savoir. Du génie individuel et de l’humilité fraternelle du collectif. Du travail et de la contemplation. Des hommes et du sacré

Emmanuel Macron

L’accueil est bon, et Emmanuel Macron va pouvoir déployer son discours sur «la permanence et la résilience de la France face à la maîtrise des éléments, à l’embellissement de la nature et à la transmission de notre histoire», selon les mots grandiloquents de l’Élysée. Le cadre s’y prête. Le calendrier aussi. Le Mont-Saint-Michel célèbre cette année son millénaire. «Un lieu où tout ce qui fait des Français un peuple de conquérants et de bâtisseurs s’affiche de manière éclatante, s’enthousiasme un conseiller du président. Un lieu de transmission qui atteste de la capacité de notre peuple à faire preuve d’adaptation aux époques et aux changements qui vont de pair.»

Le message n’est même pas codé. Avec ce millénaire, voici donc l’occasion ou jamais de célébrer la France éternelle. Et, à travers elle, de s’adresser à la droite. Car si le lieu porte à l’élévation, les considérations plus bassement politiques ne sont pas loin non plus. Si Emmanuel Macron veut retrouver des marges de manœuvre à l’Assemblée nationale, il lui faut bien passer par LR, seul groupe à pouvoir lui apporter la majorité absolue dans l’Hémicycle.

Le président travaille son héritage

Depuis le début de sa tournée d’apaisement, il multiplie les appels du pied. Avec le projet de loi immigration. Avec le plan de lutte contre la fraude sociale. Et maintenant depuis l’abbaye du Mont-Saint-Michel lorsqu’il vante l’«alliage de l’enracinement et de l’audace de l’homme, de la nature et du savoir, du génie individuel et de l’humilité fraternelle du collectif, du travail et de la contemplation, des hommes et du sacré». Les racines du pays, en somme. Son identité.

Forcément, ces clins d’œil plus ou moins appuyés à la droite créent des remous. Dans le camp du président, beaucoup s’attendent à un remaniement rapide. Les remontrances régulières d’Emmanuel Macron à l’encontre d’Élisabeth Borne n’arrangent rien. La majorité vit sous tension et le président de la République souffle le chaud et le froid. «Ce qu’on a voulu créer avec la première ministre n’est pas de la littérature mais du clapotis, s’agace-t-il en marge de son déplacement. Ensuite on crée des bulles de savon et il n’y a même pas de mousse.»

Élisabeth Borne avait renvoyé le Rassemblement national à l’héritage de Philippe Pétain, Emmanuel Macron s’en était agacé, ses opposants l’avaient accusé de complaisance à l’égard de l’extrême droite. «J’ai gagné deux campagnes présidentielles contre l’extrême droite, rappelle-t-il aujourd’hui. Je combats leurs idées dans leurs racines et dans leurs symptômes.» Son combat, donc. Et sa plus grande crainte, aussi. Celle de voir Marine Le Pen lui succéder en 2027 lorsqu’il ne pourra plus l’affronter puisque la Constitution lui interdit de se représenter.

Alors, le président travaille son legs, l’héritage qu’il veut laisser au pays. Et il en parle dans son discours du Mont-Saint-Michel, «lieu de dépassement». «Notre identité est ce poliment, ce mariage du génie de l’homme et de la nature, ce récit de dépassement de nos propres paradoxes où l’humain cherche sa place entre le temporel et le divin, le naturel et l’artificiel, le singulier et le collectif.» Voilà pour Emmanuel Macron l’enseignement des siècles et la leçon de l’histoire. Dans l’immédiat, cela passe par un accord avec Éric Ciotti.


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