En Algérie, trois ans de prison ferme pour le journaliste Ihsane El Kadi



En détention, Insane El Cadi a maigri. Et, malgré la condamnation à trois ans de prison ferme, annoncée par le tribunal ce dimanche 2 avril, assortie de la dissolution de sa société Interface Médias, le journaliste algérien, incarcéré depuis plus de trois mois, reste incisif et mordant. Il avait déjà été détenu pendant neuf mois, dans cette prison d’El-Harrach à Alger lorsqu’il avait 22 ans en 1981, alors victime de la répression du printemps berbère. Quarante-deux ans plus tard, à 63 ans, il demeure toujours aussi déterminé devant un régime qui cherche à le broyer.

Depuis la prison, le 25 mars, il appose sa signature au bas de la tribune « Les régimes du Grand Maghreb ne convergent que pour réprimer leurs peuples », portée par quelque 250 personnalités d’Afrique du Nord. Le jour du procès, le 26 mars, il déclare, à la juge qui s’étrangle, avoir rêvé du président : « Dans mon rêve, j’ai intenté un procès contre Abdelmadjid Tebboune dans ce tribunal et j’ai eu gain de cause. »

C’est que l’ère Tebboune, élu en décembre 2019, a marqué un sévère tour de vis sécuritaire en Algérie. Et elle a pris la tournure d’un duel très inégal entre le président et le journaliste, l’un des derniers à s’exprimer encore librement. À la télévision le 24 février, Abdelmadjid Tebboune s’en est pris à lui en le traitant du terme injurieux de khabardji (« informateur »), autrement dit à la solde des étrangers. Une manière de condamner d’avance le journaliste, qui était poursuivi pour réception de fonds de l’étranger « afin d’accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la stabilité et à la sécurité de l’État ».

« Il est temps de mettre fin à cet acharnement », a réclamé Antoine Bernard, de Reporters sans frontières, en déposant, devant l’ambassade d’Algérie à Paris jeudi 30 mars, 13 000 enveloppes symbolisant les signatures de la pétition réclamant la libération du journaliste, poursuivi dans quatre affaires depuis trois ans.

En bon marathonien, Insane El Cadi n’est pas du genre à lâcher en cours de route. Combatif avec l’œil pétillant de l’irréductible optimiste qui en 2019 a activement participé au Hirak, ce mouvement de contestation qui a eu raison du cinquième mandat du vieux président Bouteflika, il s’est démené pour tenter de faire converger les diverses mouvances de la société sous l’œil réprobateur d’un régime autoritaire prompt à cultiver la division.

C’est d’ailleurs un article dans lequel il plaidait pour que le mouvement islamiste Rachad ait droit à sa place dans le Hirak qui lui valut une condamnation, confirmée en appel le 18 décembre dernier, à six mois de prison ferme, sans mandat de dépôt, à la suite d’une plainte du ministre de la communication. Alger a classé « organisation terroriste » ce mouvement islamo-conservateur anti-régime en mai 2021.

Insane El Cadi restait ainsi fidèle à ses convictions de toujours. Dans la sanglante décennie 1990, il était déjà profondément convaincu qu’« une solution politique était possible avec le FIS (Front islamique du salut) », comme le rappelle l’historien et long compagnon de route Yassine Temlali. En prison, « il lit sans cesse, fait de la musculation trois fois par semaine, il s’estime chanceux par rapport à tous les détenus d’opinion qui restent invisibles », rapporte un proche. Mais, selon lui, il est aussi tourmenté par la possible agonie de son entreprise et le sort de ses 25 salariés.



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