En Espagne, la culture intensive de la fraise menace la zone humide de Doñana, patrimoine de l’humanité


Des fissures au sol observées dans une zone sèche du parc national de Doñana, dans le sud-ouest de l’Espagne, le 19 octobre 2022.

A cette époque de l’année, les lagunes du parc national de Doñana devraient être gorgées d’eau. La plupart sont cependant sèches, et certaines, à présent recouvertes de végétation, ont sans doute définitivement disparu. Des flamants roses trempent toujours leur bec dans le marais qui jouxte le village d’El Rocio, mais cet hiver à peine 90 000 oiseaux migrateurs ont été recensés, alors qu’en moyenne ils sont 470 000, dans cette zone humide exceptionnelle située à la pointe sud de l’Espagne, au croisement des routes migratoires vers l’Europe et l’Afrique. « Jamais, nous n’avions vu Doñana dans un tel état en avril, souligne Felipe Fuentelsaz, porte-parole local de l’association WWF. L’écosystème unique qui sert d’habitat aux oiseaux migrateurs est en train de disparaître. »

La réserve de Doñana se meurt peu à peu sous l’effet d’une sécheresse prolongée, aggravée par la surexploitation des nappes phréatiques pour la production intensive de fraises. Au nord-ouest de Doñana, sous de grandes étendues de plastique blanc, les serres sous lesquelles elles poussent s’étendent à perte de vue. Légalement, 8 000 hectares sont destinés à la production de fraises et de fruits rouges autour de Doñana. Selon le WWF s’y ajoutent entre 1 500 et 2 000 hectares arrosés par des centaines de puits illégaux qui, malgré les amendes de l’administration, puisent dans l’aquifère surexploité du parc national, cette zone humide exceptionnelle classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1994. Or, en 2020, l’aquifère dont dépendent les rivières et lagunes de Doñana a été reconnu « en danger » par le gouvernement espagnol.

Cependant, pour résoudre le problème des exploitations utilisant des puits illégaux, le gouvernement régional d’Andalousie a eu une idée pour le moins surprenante : légaliser leur accès à l’eau. La proposition de loi enregistrée le 12 avril au Parlement andalou par le Parti populaire (PP, droite), au pouvoir dans la région, et soutenue par le parti d’extrême droite Vox, entend « réparer une injustice » en donnant des droits d’eau aux producteurs de fraises et de fruits rouges exclus du plan d’irrigation de 2014 – mais qui ont continué à arroser leurs cultures illégalement ces dix dernières années. Au total, le texte soumis au Parlement andalou pourrait ajouter 800 hectares aux 8 000 hectares de culture de fruits rouges irriguée légalement autour du parc national, selon le gouvernement régional.

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« Jusqu’à présent, les agriculteurs concernés puisaient illégalement dans les nappes phréatiques, sans compteur ni contrôle. Certains ont été condamnés pour des délits contre l’environnement. lls seraient régularisés et amnistiés, ce qui ne nous semble pas juste », résume Manuel Delgado, porte-parole de l’association d’agriculteurs Puerta de Doñana, qui rassemble les producteurs de fraises « légaux » d’Almonte.

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