En Turquie, le mariage forcé d’une fillette de 6 ans relance la polémique sur les confréries religieuses


Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, (deuxième depuis le gauche) rend visite à Mahmud Ustaosmanoglu (à gauche, mort en juin 2022), son fils Ahmet Ustaosmanoglu, et le nouveau responsable des services scientifiques et caritatifs de la confrérie Ismailaga. Capture d’écran d’un tweet posté sur le compte de la confrérie le 13 janvier 2020.

Il aura fallu deux ans à la justice turque pour arrêter les principaux suspects dans l’affaire du mariage forcé d’une fillette de 6 ans. Le 15 décembre, la presse publiait les photographies de Yusuf Ziya Gümüsel et de Kadir Istekli, le père et le « mari » de la victime, l’air abattu, descendant des escaliers encadrés par des agents de police.

Une jeune femme connue sous les initiales H. K. G. avait déposé une plainte en 2020. Fille du chef de la fondation Hiranur Vakfi, rattachée à la puissante confrérie religieuse Ismailaga, elle accuse son père de l’avoir mariée religieusement dans son enfance à l’un de ses disciples âgé de 29 ans, au début des années 2000, et explique avoir subi des abus sexuels depuis lors.

Yusuf Ziya Gümüsel et Kadir Istekli auraient pu rester en liberté si le journaliste d’investigation Timur Soykan n’avait pas révélé l’affaire dans les pages du quotidien de gauche Birgün. Les extraits sordides de la déposition révèlent des actes de pédophilie avec l’aval des parents de la victime : « Kadir a caressé mon corps (…). J’ai pleuré et Kadir a dit que nous étions mariés. Il a dit que nous étions mariés comme mes parents l’étaient. Il a dit : “Tu es ma femme, je suis ton mari. Les gens mariés jouent à de tels jeux, mais ce jeu n’est révélé à personne. Ecoute, ton père et ta mère ne le disent à personne”, a-t-il dit. Mon père et ma mère appelaient Kadir “mon gendre” », rapporte l’article de Birgün.

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Malgré le signalement d’un médecin soupçonnant le mariage d’une mineure en 2012 et l’ouverture d’une enquête par le parquet, plusieurs irrégularités font patiner l’avancée du dossier. La famille était parvenue à faire passer le test osseux visant à établir l’âge de H.K. G. par une jeune femme plus âgée afin d’éviter des poursuites judiciaires. Le père rejette les accusations de mariage religieux à l’âge de 6 ans, mais des photographies diffusées dans la presse, qui montrent la petite H. K. G. habillée d’une robe blanche, entretiennent le doute.

Résonance politique

« Les hommes politiques qui se rendaient fréquemment dans la secte Ismailaga ont-ils joué un rôle dans cette affaire ? », s’interroge le journaliste. Depuis la publication, le reporter Timur Soykan a été accusé d’insulter l’islam et fait aujourd’hui l’objet de lynchage sur les réseaux sociaux. La première audience du procès a été avancée au 30 janvier 2023. Le mari et les parents de H. K. G., aujourd’hui âgée d’une vingtaine d’années, encourent respectivement soixante-huit et vingt-deux ans d’emprisonnement.

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