Entre l’Ukraine et la Chine, proximité économique et divergences géopolitiques



C’est un appel qui avait été prédit par l’Élysée après le voyage en Chine d’Emmanuel Macron. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré mercredi 26 avril avoir eu un « long et significatif » entretien avec son homologue chinois Xi Jinping. C’est le premier contact direct entre les deux dirigeants depuis le début de l’invasion russe, le 24 février 2022.

Ce contact historique est à remettre en perspective avec la jeune histoire des relations diplomatiques entre les deux pays. Alors que l’Ukraine regarde vers l’ouest et que la Chine reste une alliée proche de la Russie, les relations diplomatiques ont souvent été complexes, malgré un partenariat commercial étendu.

►1991 : le début des relations diplomatiques sino-ukrainiennes

Dans les années 1990, l’Ukraine retrouve son indépendance et sort du giron de l’URSS. Elle se lance dans l’établissement de relations bilatérales avec divers pays, dont la Chine. Les visites diplomatiques s’enchaînent, donnant lieu à des coopérations économiques, culturelles, scientifiques ou militaires.

En 1994, la Chine annonce fournir à l’Ukraine une garantie de sécurité nucléaire dans une déclaration gouvernementale unilatérale. Quelques mois avant, l’Ukraine, affaiblie économiquement, acceptait de renoncer à son arsenal nucléaire, le troisième au monde, qu’elle avait hérité de l’URSS.

Mais une visite taïwanaise en Ukraine à l’occasion d’une réunion de l’International Crisis Group en 2005, une organisation qui vise à résoudre les conflits, refroidit les relations diplomatiques des deux pays.

Lors de la pandémie de grippe aviaire en 2009, la Chine décide tout de même de soutenir l’Ukraine avec une aide de 3,5 millions de yuans (450 000 €), distribuant masques, gants et autres moyens de protection.

► 2011 : l’intensification des relations commerciales et politiques

À la fin des années 2000, les relations diplomatiques se réchauffent et les partenariats commerciaux se multiplient. Une déclaration conjointe de partenariat stratégique est signée en 2011, suivie par une autre deux ans plus tard, qui approfondit leur relation.

La Chine représente une opportunité pour l’Ukraine de se détacher progressivement de la Russie dans les partenariats économiques. Dans l’industrie militaire, l’Ukraine vend quantité de matériel (porte-avions ukrainiens, destroyers…) à Pékin, qui chercher à renforcer sa présence en mer de Chine orientale face à Taïwan.

La Chine, elle, voit dans le partenariat un moyen d’étendre ses « nouvelles routes de la soie », en investissant massivement dans des projets d’infrastructures (ports, routes, voies ferroviaires) en Ukraine pour exporter sa manufacture vers le Vieux Continent.

Un traité bilatéral est signé en décembre 2013, dans lequel la Chine réaffirme qu’elle fournira à l’Ukraine des garanties de sécurité nucléaire en cas d’invasion nucléaire ou de menaces d’invasion.

► 2014 : la guerre de Crimée provoque la distanciation des relations politiques

L’annexion de la Crimée et le déclenchement d’une rébellion sur le territoire ukrainien dans le Donbass en 2014 portent un coup d’arrêt aux relations diplomatiques sino-ukrainiennes.

Elle place la Chine dans une position délicate. Elle a certes divers partenariats économiques avec l’Ukraine mais elle maintient tout de même son soutien à la Russie. Elle choisit d’adopter une position mesurée en affirmant respecter le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État.

Quant à l’Ukraine, l’agression russe la conforte dans sa décision de se rapprocher de l’Ouest, en particulier de l’Union européenne et de l’Otan, une organisation liée aux États-Unis, concurrents stratégiques de la Chine.

Malgré la distanciation des relations politiques, la Chine et l’Ukraine ont continué de développer leurs relations économiques. Ainsi, en 2020, les exportations vers la Chine représentaient pour l’Ukraine 7 milliards de dollars (6,3 milliards d’euros) et 10 % de son PIB, contre seulement 2 % vingt ans plus tôt, avec en tête les exportations de maïs, l’Ukraine ayant remplacé les États-Unis en tant que premier importateur en Chine depuis 2018.

L’appel téléphonique du mercredi 26 avril sur la paix en Ukraine pourrait, à terme, réchauffer les relations avec l’Ukraine. Mais la Chine, alliée majeure de la Russie, est sur une ligne de crête. Pékin, qui espère pouvoir peser diplomatiquement dans le conflit, a annoncé vouloir envoyer une délégation en Ukraine pour chercher un « règlement » politique de la situation.

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