Giorgia Meloni pousse au départ le directeur français de l’opéra de Naples, Stéphane Lissner


Stéphane Lissner sur la scène du Teatro San Carlo lors de la présentation de la saison 2021-2022, à Naples, le 23 octobre 2020.

En pleine crise diplomatique entre Paris et Rome, l’offensive du gouvernement de Giorgia Meloni sur le monde de la culture et les médias publics vient de faire une victime collatérale : Stéphane Lissner, le directeur français de l’opéra de Naples. Anciennement à la tête de l’Opéra national de Paris, M. Lissner s’est trouvé directement visé par un décret adopté jeudi 4 avril par le conseil des ministres italien qui fixe l’âge de la retraite des directeurs étrangers de théâtres lyriques à 70 ans. Une limite qu’il a atteinte en janvier et qui s’impose déjà à ses confrères italiens. Cette décision pourrait aussi concerner un autre Français, Dominique Meyer, directeur de la Scala de Milan, qui, âgé de 68 ans, pourrait être contraint à quitter son poste dans dix-huit mois.

Si le projet de décret visant M. Lissner était déjà connu, son adoption n’est pas de nature à apaiser les relations entre l’Italie et la France : le même jour, une nouvelle crise diplomatique a été déclenchée par des propos jugés insultants tenus, sur le dossier migratoire, par le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, à l’encontre de Mme Meloni. Toutefois, la décision affectant M. Lissner ne s’inscrit pas seulement dans le contexte des rapports difficiles entre les deux pays. Elle intègre une manœuvre d’une ampleur bien plus importante, qui vise à accroître le contrôle du gouvernement, dominé par l’extrême droite, sur l’audiovisuel public italien, la RAI.

En écartant M. Lissner du Teatro San Carlo, l’exécutif ouvre en effet la voie à son remplacement par l’administrateur délégué actuel de la RAI, Carlo Fuortes, nommé par le gouvernement précédent par un allié idéologique de Mme Meloni. Depuis son arrivée au pouvoir, la présidente du conseil est en effet déterminée à imposer sa marque dans les institutions culturelles et les médias publics, une entreprise de conquête dans laquelle l’audiovisuel d’Etat constitue une prise capitale.

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Une vision du monde conservatrice et nationaliste

Le favori de Mme Meloni pour occuper le poste qui serait laissé vacant par M. Fuortes est Giampaolo Rossi. Ce cadre de la RAI est connu pour ses affinités avec l’extrême droite – il a multiplié par le passé des prises de position publiques complotistes. « La faute de [Vladimir] Poutine est de ne pas vouloir soumettre la Russie aux diktats du nouvel ordre mondial soutenu par [George] Soros », avait-il ainsi écrit sur un blog tenu jusqu’en 2018. M. Rossi faisait alors référence au milliardaire et philanthrope qui concentre les obsessions de l’extrême droite mondiale. Mme Meloni, qui a pourtant misé sur l’affirmation d’un atlantisme sans réserve et sur le soutien à l’Ukraine face à l’agression russe dans son processus de normalisation, est donc passée outre les positionnements d’un homme à qui sont promises des responsabilités majeures face à l’opinion publique italienne.

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