Gravures sur bois, encre de Chine, fusains… François Chifflart, artiste au service de Victor Hugo


EXPOSITION – À Paris, place des Vosges, la maison-musée de l’écrivain met à l’honneur le premier illustrateur des Travailleurs de la mer ou encore de La Légende des siècles.

Il a puissamment contribué à renforcer le côté fantastique de certains romans de Victor Hugo. Place des Vosges, dans la maison-musée de l’écrivain, son premier illustrateur est à l’honneur. En 1867, l’oublié François Chifflart (1825-1901), remarqué par Théophile Gautier ou le jeune Charles Baudelaire, reçoit sa première commande pour Les Travailleurs de la mer, et se rend à Guernesey pour y soumettre ses dessins préparatoires. Un compagnonnage naît aussitôt. Hugo est séduit. Il voit à son tour chez Chifflart « le souffle du grand art du XIXe siècle ».

La collaboration a donc duré ; l’œuvre au noir de ce romantique — communard et donc farouchement anti-académique malgré son prix de Rome en poche — allant même jusqu’à influencer en retour le grand homme. Quelques-uns des paysages de l’auteur des Misérables, lavis d’encre de Chine magistralement jetés sur le papier aux moments où l’inspiration écrite faisait défaut, occupent d’ailleurs une partie des cimaises à titre de comparaison.

Eaux-fortes, gravures sur bois et fusains dominent ici la peinture, moins séduisante. Car cet art du noir et blanc rend plus abyssaux les thèmes et scènes du poète. On notera quelques spectaculaires exceptions. Ainsi cette vue apocalyptique du Paris incendié de 1871. Avant, on aura fait connaissance avec le jeune Chifflart. Dans un autoportrait dessiné, il s’est figuré en troubadour, errant avec palette en main et guitare sur l’épaule. C’est l’époque où il vient de quitter sa ville natale, dans le Nord, cette Saint-Omer dont le musée est ici un des principaux prêteurs.

Aquafortiste

Formé à Paris, puis à la Villa Médicis, Chifflart s’est rapidement distingué par son anticonformisme. Si on le remarque au Salon annuel de peinture, c’est non pour des scènes d’histoire réalisées à l’huile comme il était d’usage, mais parce qu’il a choisi le Faust de Goethe. Et, de surcroît, qu’il en a exécuté les sabbats et combats au fusain. Baudelaire criera au miracle devant une telle originalité. Malgré cela, les commandes publiques, notamment celles très rémunératrices de décors pour des édifices, n’arriveront pas.

Après la Commune, Chifflart a moins travaillé, ou a dû se rabattre sur l’illustration de presse

Le voilà donc, faute de mieux, aquafortiste. Hors des travaux imposés, il se livre via cette technique à des « interrogations intérieures », un peu à la manière des gravures de Goya, ces oniriques Caprices qu’il a vus. Le Diable d’argent, Le Choléra sur Paris ou Carrière de Montmartre comptant parmi les feuilles les plus étranges de ses séries.

Au reste Chifflart s’ambitionne toujours peintre de grand genre et continue de produire des machines historicisantes. Ainsi La Bataille de Cannes, où les armées d’Hannibal ferraillent avec les légions romaines : un tableau de 2,5 × 5 m tellement grand qu’il reste dans les réserves du Petit Palais. Il est évoqué ici par un documentaire racontant sa récente restauration. Après la Commune, Chifflart a moins travaillé, ou a dû se rabattre sur l’illustration de presse. Il vivotait, finissant par s’éteindre pauvre et oublié malgré un ultime travail pour La Légende des siècles.


« François Chifflart, l’insoumis », à la Maison de Victor Hugo (Paris 4e), jusqu’au 23 mars 2025. Catalogue Paris Musées, 192 p., 30 €. www.maisonsvictorhugo.paris.fr



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