Henri Cartier-Bresson, Irving Penn, Richard Avedon… Un siècle d’archives photo de Condé Nast à Venise

Les images de ce portfolio ne représentent qu’une minuscule partie des archives de Condé Nast, groupe international qui a fait la pluie et le beau temps dans la presse illustrée au XXe siècle avec ses magazines-phares. Vogue, acheté par l’homme d’affaires américain Condé Montrose Nast (1873-1942) en 1909 et consacré à la mode, ou Vanity Fair, son petit frère, né en 1913 et dévolu à l’actualité culturelle et politique, ont imposé la photographie comme le nouveau langage de la modernité occidentale, offrant aux plus grands photographes, d’Irving Penn à Edward Steichen en passant par Lee Miller et Richard Avedon, un espace d’expression autant qu’un gagne-pain. « Chez Condé Nast, ces photographes se sont vu donner énormément de liberté et de moyens : il y avait sur place, à New York, un studio avec des lumières, du matériel, des assistants, un labo », souligne Ivan Shaw, directeur de la photographie du groupe de 1996 à 2016.
Héritage de ces décennies d’âge d’or pour la photo argentique, des milliers de tirages exceptionnels dormaient jusqu’à peu dans les archives du groupe de presse à New York. Une grande partie – quelques milliers – a été rachetée par la collection Pinault, qui les présente, jusqu’au 7 janvier 2024, dans une exposition-fleuve intitulée « Chronorama » , au Palazzo Grassi, à Venise. Ces 407 images, célèbres ou méconnues, sont une impressionnante traversée du XXe siècle à travers la presse illustrée – dommage qu’elles soient accrochées au mur sans les publications qui les ont accueillies.
Rencontres au sommet
Les clichés montrent des artistes et des intellectuels, un choix qui fut central aussi bien à Vogue qu’à Vanity Fair. Alexander Liberman (1912-1999), le directeur artistique de Vogue, qui officia à partir des années 1940, était lui-même peintre et sculpteur. « Il a travaillé main dans la main avec le rédacteur en chef Leo Lerman, qui vivait en immersion dans le monde de l’art et a écrit de brillantes critiques », rappelle Ivan Shaw. En 1927, le compositeur Igor Stravinsky, immortalisé par le photographe George Hoyningen-Huene en créateur pensif, occupe ainsi une page entière de Vanity Fair.
Le magazine Vogue organise parfois des rencontres au sommet entre les grands artistes du moment, créant de savoureux dialogues visuels. En 1964, pour un article titré « Génies américains », Irving Penn, le photographe le plus emblématique de Vogue, fait ainsi poser ensemble deux compositeurs, deux écrivains et deux artistes. Parmi eux, les peintres Jasper Johns et Josef Albers : des années les séparent, mais sur l’image leurs mains semblent se répondre.
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