« Je demande la levée du visa entre les Comores et Mayotte »


Le président des Comores, Azali Assoumani, à son arrivée à l’Elysée lors de sa dernière visite en France, à Paris, le 11 janvier 2023.

De passage en France, le président de l’Union des Comores, Azali Assoumani, revient pour Le Monde sur les tensions diplomatiques apparues entre Paris et Moroni dans le sillage de l’opération Wuambushu, annoncée par le gouvernement français comme un vaste plan d’expulsion d’étrangers en situation irrégulière, de destruction de bidonville et de lutte contre la délinquance à Mayotte.

Au moment du lancement de l’opération Wuambushu, les ports comoriens ont été bloqués, empêchant les expulsions de sans-papiers. N’y avait-il pas eu de concertation en amont entre Paris et Moroni ?

J’ai rencontré le président Emmanuel Macron en janvier 2023, le ministre français de l’intérieur, Gérald Darmanin, était là. Nous leur avons dit que nous avons toujours été contre cette opération qui consiste à appeler la presse du monde entier pour clamer : « Regardez, on va rapatrier les Comoriens qui sont à Mayotte ! » Cela aurait pu être plus discret et efficace. Il y a un vol et un bateau entre Mayotte et Anjouan tous les jours.

Aux Comores, il y a un scrutin présidentiel prévu en 2024. Dans ce contexte préélectoral, l’opération française crée beaucoup de problèmes. Alors qu’on entre en campagne, comment puis-je justifier devant mes compatriotes le fait que j’accepte les bateaux qui renvoient des Comoriens de Mayotte ? C’est trahir notre Constitution, qui dit que Mayotte est comorienne [l’archipel a décidé en 1974 de rester français, un statut qui n’a jamais été reconnu par Moroni]. Je peux être poursuivi en justice pour cela. Alors, je m’interroge : pourquoi la France a-t-elle créé l’opération Wuambushu au vu et au su de tout le monde ?

En 2022, la France dit avoir procédé à 26 000 expulsions par bateau depuis Mayotte…

Ce n’est pas vrai. Ça voudrait dire plus de 2 000 chaque mois, c’est n’importe quoi. Vous vous rendez compte ? Les Comoriens des trois îles ne représentent même pas 700 000 habitants. On invente des chiffres qui n’ont aucun sens. Nous nous sommes entendus avec la France. Nous empêchons les jeunes Comoriens d’aller à Mayotte en kwassa-kwassa [un canot de pêche à fond plat]. Mais on n’a pas les moyens de tous les retenir, donc ceux qui parviennent à passer sont accueillis par Mayotte. Et désormais la France voudrait les rapatrier ? Est-ce qu’on rapatrie les immigrés de tous les pays qui sont à Paris ? Non. La France est un pays de droit.

Une partie des immigrés sans-papiers sont expulsés…

Oui, mais en collaboration avec les pays vers lesquels ils sont renvoyés.

Sur quelle base seriez-vous prêt à discuter avec Paris ?

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