la Cour des comptes appelle à « revitaliser » la pédopsychiatrie



Les publications sur la santé mentale des Français se suivent et se ressemblent. Trois ans après le début de la pandémie de Covid-19, les troubles psychiques ont atteint des niveaux inégalés. Les plus jeunes ne sont pas épargnés, puisqu’on estime qu’environ 1,6 million d’enfants et adolescents sont en souffrance.

Face à ce défi de santé publique, l’offre de soins en pédopsychiatrie n’est pas à la hauteur, selon la Cour des comptes. Dans un rapport publié mardi 21 mars, la juridiction appelle à « revitaliser la pédopsychiatrie », aujourd’hui caractérisée par « une offre peu adaptée, des parcours de soins peu lisibles et une gouvernance peu efficiente », selon Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

Cette situation résulte en partie du « virage ambulatoire » entamé il y a une dizaine d’années par la France, soit le transfert de soins traditionnellement faits à l’hôpital vers des professionnels libéraux ou des structures comme les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ). Entre 1986 et 2013, le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie adulte et enfant a baissé de 58 %. Résultat : les CMP-IJ, devenus la principale porte d’entrée vers des soins psychiques, sont engorgés, et les familles ne savent plus vers qui se tourner.

Les zones rurales moins bien dotées

Mal calibrée, l’offre est aussi mal répartie. « Dans l’état actuel de l’organisation des soins, et en particulier dans les CMP-IJ, une partie des patients suivis ne souffrent que de troubles légers, au détriment de la prise en charge d’enfants souffrant de troubles plus sévères, autrement dit la prise en charge spécialisée n’est pas assez graduée », a expliqué Pierre Moscovici lors de la présentation du rapport. Les urgences psychiatriques pour enfants n’existant pas (sauf exception), les jeunes patients peuvent se retrouver hospitalisés en pédiatrie ou en psychiatrie adulte, loin des recommandations de bonne prise en charge.

Ces difficultés d’accès concernent plus particulièrement les zones rurales, globalement moins bien dotées en professionnels libéraux. Aussi la Cour des comptes préconise-t-elle, dans ces territoires en tension, d’augmenter le nombre de lits d’hospitalisation, après une évaluation précise des besoins par les agences régionales de santé.

Le nombre de pédopsychiatres en chute libre

La faiblesse de l’offre tient aussi au manque croissant de spécialistes. Entre 2010 et 2022, le nombre de pédopsychiatres a chuté de 34 %. Sur les 532 psychiatres formés chaque année, seulement 100 se tournent vers la pédopsychiatrie. Il en faudrait le double, estime la Cour des comptes, pour qui le parcours universitaire et la recherche dans ce domaine doivent être mieux valorisés afin de renforcer l’attractivité du métier.

La juridiction formule plusieurs autres recommandations, lesquelles pourraient être mises en œuvre à moyens constants – les soins psychiatriques des enfants et adolescents représentent environ 1,8 milliard d’euros de dépenses chaque année. D’abord, la mise au point d’un état des lieux exhaustif de la situation épidémiologique des troubles psychiques des enfants en France, à actualiser tous les dix ans au moins, afin d’évaluer plus précisément les besoins. Ensuite, l’amélioration de la formation des généralistes et pédiatres au dépistage des troubles psychiques, eux qui sont aux premières loges.

Autres pistes pour alléger la charge des CMP-IJ : s’appuyer davantage, pour les troubles légers, sur les psychologues et les infirmiers en pratique avancée (IPA), amenés à prendre une place de plus en plus importante dans le système de soins. D’ailleurs, « il importe de clarifier la fonction d’IPA, en libéral comme en établissement », souligne le rapport. La Cour des comptes publiera prochainement un audit flash à ce sujet.



Lien des sources