la délégation de la Cedeao repart sans avoir rencontré le chef de la junte


Des partisans de la junte à Niamey, le 3 août 2023.

Dans la nuit du jeudi 3 au vendredi 4 août, une délégation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est repartie du Niger après avoir fait « des propositions de sortie de crise » à la junte, au pouvoir dans le pays depuis son coup de force et l’évincement du président élu, Mohamed Bazoum, le 26 juillet.

Si les émissaires n’ont pas rencontré le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, ni le président déchu, Mohamed Bazoum, ils se sont entretenus à l’aéroport avec des militaires putschistes, selon le quotidien gouvernemental nigérien Le Sahel. Tout indique, selon un porte-parole de la délégation, que le putsch du 26 juillet « était de nature très improvisée » et il n’est pas certain que la junte « puisse compter sur le soutien durable de la population ».

Le 30 juillet, la Cedeao, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey, a donné jusqu’à dimanche aux putschistes pour rétablir dans ses fonctions le président, Mohamed Bazoum, sous peine d’utiliser « la force ».

Manifestations

Une réunion des chefs d’état-major de la communauté économique doit parallèlement s’achever vendredi après-midi à Abuja, au Nigeria, alors que plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se disent prêtes à envoyer des soldats si une intervention militaire était décidée.

« Il est peu probable que l’intervention de forces extra-régionales puisse améliorer la situation », a déclaré à Moscou le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, tout en appelant au « retour rapide à l’ordre constitutionnel » au Niger.

Le gouvernement allemand a lui appelé vendredi à poursuivre les « efforts de médiation » pour trouver une issue politique et à éviter toute intervention armée. Pour Berlin, il semble que le processus de négociations n’en soit qu’« à son début ».

Vendredi matin, une centaine de manifestants originaires de plusieurs pays ouest-africains se sont réunis à Niamey pour protester contre toute intervention militaire au Niger. Dans l’ouest du pays, à Tahoua, une manifestation concurrente a rassemblé des centaines de personnes « pour apporter un soutien indéfectible au président de la République, Mohamed Bazoum, et pour exiger sa libération sans condition », selon un journaliste local sur place.

Les putschistes, qui ont promis une « riposte immédiate » à « toute agression » de la part d’un pays de la Cedeao, ont par ailleurs annoncé la levée du couvre-feu instauré depuis le 26 juillet.

Des accords de coopération avec la France dénoncés

Tard jeudi, les putschistes ont dénoncé « les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France », ex-puissance coloniale, dont un contingent militaire de 1 500 soldats est déployé au Niger pour la lutte antiterroriste dans ce pays miné par les violences djihadistes. Paris a affirmé vendredi que seules « les autorités nigériennes légitimes » avaient le pouvoir de revenir sur ces accords. Ces autorités « sont les seules que la France, comme l’ensemble de la communauté internationale, reconnaît », a souligné le ministère des affaires étrangères français.

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Outre la dénonciation des accords militaires, l’ambassadrice nigérienne à Paris a été limogée par les putschistes, tout comme les représentants du Niger aux Etats-Unis, au Togo et au Nigeria. La diplomate, Kané Aïchatou Boulama, a affirmé vendredi à l’Agence France-Presse « être toujours » l’ambassadrice « du président légitime, Mohamed Bazoum », ajoutant qu’elle rejetait « comme nulle et non avenue » la décision des putschistes.

Le président Bazoum, retenu avec sa famille depuis le jour du putsch dans la résidence présidentielle, s’est exprimé jeudi, dans une tribune publiée par le quotidien américain Washington Post. Il a mis en garde contre les conséquences « dévastatrices » du coup d’Etat pour le monde et le Sahel, qui pourrait passer, selon lui, sous l’« influence » de la Russie par le biais du Groupe Wagner. « J’appelle le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l’ordre constitutionnel », écrit-il, « à titre d’otage », dans cette déclaration.

Jeudi, les programmes de Radio France internationale (RFI) et de la chaîne de télévision d’information France 24 ont été interrompus au Niger, « une décision prise hors de tout cadre conventionnel et légal », selon la maison mère des deux médias, France Médias Monde. La France a condamné « très fermement » cette décision, ainsi que l’Union européenne vendredi matin. RFI et France 24 sont déjà suspendus au Burkina Faso et au Mali voisins, où les militaires nigériens au pouvoir ont envoyé des délégations mercredi.

Des incidents, dimanche, lors d’une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey, ont entraîné l’évacuation mardi et mercredi de 577 Français. Vendredi matin, un avion militaire de l’armée de l’air espagnole a atterri à Niamey, pour évacuer les ressortissants espagnols – estimés à environ 70 – souhaitant quitter le Niger, selon Madrid. Les Etats-Unis, l’un des principaux partenaires du Niger avec la France, ont de leur côté affrété un avion pour faire sortir du pays leur personnel non essentiel, et le président américain, Joe Biden, a appelé « à la libération immédiate du président [nigérien, Mohamed] Bazoum ».

Le Monde avec AFP



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