« La France est sur le point de disjoncter, non par manque d’électricité, mais par défaut de bon sens »


« La France a peur », lançait en février 1976 Roger Gicquel en ouverture du journal télévisé de TF1. La France de 2022, elle, a plutôt tendance à adorer se faire peur. En témoigne le débat sur la potentielle pénurie d’électricité cet hiver.

Il a suffi d’une communication ministérielle maladroite, d’une prise de parole intempestive d’Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution électrique, d’une mauvaise foi caractérisée et d’un opportunisme malsain de la part des oppositions et enfin d’un pays à fleur de peau pour qu’un simple dispositif administratif destiné à anticiper d’éventuelles coupures aussi courtes que planifiées se transforme en scénario digne d’Armageddon. Alors que nous ne sommes pas encore à la mi-décembre, la France est déjà sur le point de disjoncter, non par manque d’électricité, mais par défaut de bon sens et de rationalité.

Dès le printemps, le risque de tension sur le réseau électrique cet hiver était connu. Une conjonction d’aléas de court terme et un manque de vision énergétique ont fragilisé notre production d’électricité, dont plus des deux tiers sont d’origine nucléaire. Sur les 56 réacteurs disponibles, seize sont toujours à l’arrêt. Certains font l’objet d’une maintenance qui a pris du retard en raison des confinements dus à la crise pandémique, d’autres présentent des problèmes de corrosion qui nécessitent de longues réparations.

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La situation est inconfortable, mais pas insurmontable. D’abord, la situation s’améliore : le nombre de réacteurs à l’arrêt a été divisé par deux depuis septembre. Ensuite, la France importe de l’électricité produite par ses voisins. Cela coûte très cher car la guerre en Ukraine a fait exploser les prix de l’énergie, mais le mécanisme d’un marché européen si souvent décrié a le mérite d’exister, quoi qu’en pensent ses contempteurs.

Distinguer le probable du possible

Pour le reste, notre approvisionnement doit miser sur les énergies alternatives, les caprices de la météo et la capacité des Français à maîtriser leur consommation. Concernant les premières, le sous-investissement se paye cash. La fluctuation des températures et l’adhésion des Français à la sobriété énergétique sont plus aléatoires et conduisent le réseau de transport d’électricité (RTE) à envisager en cas de pic de consommation des opérations de délestage, c’est-à-dire de coupures temporaires et pilotées.

Motif d’espoir dans cet océan de mauvaises nouvelles : les Français ont compris les enjeux. En novembre, ils ont réduit de 10 % leur consommation d’électricité.

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