La jeunesse de certains tueurs à gages préoccupe les policiers



C’est une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. À l’image, on voit les yeux d’un jeune homme dont le visage est dissimulé sous une cagoule. « Je vais enchaîner les contrats frérot (…) Sur la vie de ma mère, je suis en train d’enchaîner les contrats, je suis en train de rigoler », s’esclaffe le garçon. Simple bravade adolescente sur le Web ? Pas vraiment. Ce jeune homme, Matteo, a été interpellé début avril à Marseille et est soupçonné d’avoir tué au moins trois personnes dans le cadre de règlements de comptes liés aux stupéfiants. Il n’est pourtant âgé que de 18 ans. « Des enquêtes sont en cours pour savoir s’il n’a pas été impliqué dans d’autres assassinats », souligne ­Rudy ­Manna, porte-parole du syndicat Alliance dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca).

Autre ville, autre meurtre. En juillet 2022, un homme de 38 ans est tué à la terrasse d’un café à Paris. Un des assaillants est arrêté par des clients de l’établissement. Et là encore, c’est son âge, 16 ans, qui interpelle les policiers. « C’est un phénomène émergent. Aujourd’hui, on voit des tueurs à gages de plus en plus jeunes. Des individus le plus souvent inconnus de la police et qui sont recrutés pour exécuter des “contrats” payés, comme dans le cas de Matteo entre 20 000 et 40 000 € », explique ­Matthieu ­Valet, porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP).

« Certains policiers semblent craindre une dérive à la sud-américaine sur le modèle des cartels mexicains ou colombiens qui embauchent des jeunes ”sicarios”, c’est-à-dire des tueurs à gages parfois âgés de seulement 15 ans », indique ­Michel ­Gandilhon (1), membre du conseil d’orientation scientifique de l’Observatoire des criminalités internationales (ObsCI).

Face à la médiatisation importante autour de ces tueurs à gages, à peine sortis de l’adolescence, certains policiers invitent à la retenue. « Attention à ne pas tirer d’enseignements sensationnalistes à partir de deux affaires », indique l’un d’eux. « Ce qu’on constate, c’est un rajeunissement des personnes qui sont recrutées pour entrer dans le trafic de drogue, explique ­Frédérique ­Camilleri, préfète de police des Bouches-du-Rhône. Au départ, elles servent de petites mains pour faire le guet ou vendre des produits. Puis, au bout d’un moment, si la personne donne satisfaction, on va lui proposer des tâches plus rémunératrices. Un jour, on va lui demander de conduire la voiture utilisée pour un assassinat. Puis, ensuite, de devenir l’assassin. »

Selon ­la préfète de police, auparavant, chaque clan avait en interne son équipe de tueurs. « Mais depuis quelque temps, on constate que beaucoup de jeunes Marseillais ne veulent plus travailler dans la drogue. Sans doute parce qu’ils ont conscience des risques. Alors les clans recrutent un peu partout en France des jeunes en errance peu aguerris mais prêts à accepter certaines tâches en étant moins payés que les Marseillais. »

Ce qui est nouveau, c’est aussi la médiatisation de ces tueurs sur les réseaux sociaux. Alors que les professionnels essaient en général de se faire le plus discrets possible, Matteo, lui, se mettait volontiers en scène. Selon Le ­Parisien, ce sont ses commanditaires qui lui demandaient de se filmer après ses contrats pour prouver la réussite de ses missions.

« Le trafic de drogue, c’est une guerre de territoire mais c’est aussi une politique de la terreur et de l’intimidation, indique ­Frédérique ­Camilleri. Ceux qui s’affrontent doivent mettre en scène leur puissance. Et désormais, cela passe par les réseaux où parfois sont même diffusées les images de certains assassinats. » Ce n’est toutefois pas en scrutant les réseaux que les policiers marseillais ont trouvé les indices permettant d’arrêter ­Matteo. « On surveille bien sûr Internet, mais la clé, c’est le travail de police judiciaire de terrain. »



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