la Quinzaine des cinéastes baroude sur des territoires insolites


« In Our Day », de Hong Sang-soo.

La Quinzaine des cinéastes s’est achevée, jeudi 25 mai, avec la présentation, le soir, de In Our Day, du prolifique Sud-Coréen Hong Sang-soo, concentré d’épure et de poésie instantanée faisant écho à bon nombre d’œuvres présentes dans les rangs de cette 55e édition. Confiée à une nouvelle équipe de sélectionneurs menée par Julien Rejl, la manifestation affichait un cap éditorial réajusté sur les gestes artistiques forts et faisant le pari d’une jeune garde d’auteurs internationaux encore peu identifiés par les radars de l’industrie.

Mission qu’on peut dire accomplie, puisque au moins deux promesses majeures ont éclos lors de ces dix jours de projection : La Grâce, premier long-métrage de fiction du Russe indépendant Ilya Povolotsky, qui réinvente le cinéma de l’errance existentielle, et Légua, signé à quatre mains par les Portugais Filipa Reis et Joao Miller Guerra, chronique villageoise d’une infinie sensibilité sur le déclin d’une noble et antique demeure que deux femmes sont les dernières à entretenir.

Pour le reste, la Quinzaine s’est montrée sensible aux nouvelles voix américaines, avec trois longs-métrages repérés outre-Atlantique, en provenance exclusive de la Côte est, comme de parfaits antidotes à Hollywood. The Sweet East de Sean Price Williams, et Riddle of Fire, de Weston Razooli, fugues loufoques dans les lubies de l’Amérique post-Trump, se perdent tous deux dans les limbes du détachement ironique et de l’hyper-conscience de soi, à force de clins d’œil cinéphiles et de délires autocentrés.

Fantaisie barbare

En revanche, The Feeling That the Time for Doing Something Has Passed, de la comédienne et monteuse Joanna Arnow, s’est avéré une découverte autrement plus convaincante. Soit l’autoportrait vachard d’une jeune New-Yorkaise d’aujourd’hui (interprétée par la réalisatrice elle-même) portée sur la soumission sexuelle, c’est-à-dire pas exactement dans l’air du temps. L’hilarité est allée crescendo dans le Théâtre Croisette devant cette comédie pince-sans-rire, doublée d’une mise à nu sans concession, misant sur un rapport frontal à l’inconfort (cas d’école : comment surmonter un éternuement quand on prodigue une fellation à son partenaire ?).

L’espace traversé dans toutes ses dimensions constituait l’élément maître de cette sélection. Les grands espaces, d’abord, avec cette lisière du Caucase que sillonnent en van un père et sa fille, tenant un cinéma itinérant dans La Grâce, d’Ilya Polotovsky, mais aussi le Grand Sud marocain dans le western beckettien Déserts de Faouzi Bensaïdi, ou encore l’axe Bruxelles-La Jonquère parcouru façon polar suspendu dans L’Autre Laurens du Belge Claude Schmitz. On pense également à L’Arbre aux papillons d’or du Vietnamien An Pham Thien, et sa dérive formaliste de trois heures sur les routes de campagne cochinchinoises, un trip mental abritant une réflexion appuyée sur la prédestination.

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