“La valeur ‘travail’ a toujours été importante pour ce parti, il sait qu’il y a des patrons et qu’il faut négocier avec eux”, souligne Jean Viard



Tout ce weekend, le Parti communiste tient son congrès à Marseille. Sauf énorme surprise, le secrétaire national, Fabien Roussel, devrait être réélu. C’est le 39ᵉ congrès du PCF, fondé en 1920. Retour sur plus d’un siècle d’existence de ce parti communiste, l’un des derniers d’Europe.

Le 39e congrès du Parti communiste se tient durant tout le weekend à Marseille. Sauf énorme surprise, le secrétaire national Fabien Roussel devrait être réélu. Un vote interne, en tout cas en janvier, a déjà largement validé son texte d’orientation. Décryptage avec le regard du sociologue Jean Viard sur un siècle d’existence de ce parti. 

franceinfo : Qu’est-ce que le Parti communiste et le communisme en France aujourd’hui, un siècle après ?

Jean Viard : On est un des derniers pays d’Europe à avoir un parti communiste. C’est généralement transformé par un fusionnement avec des forces démocratiques comme en Italie, par exemple. Le communisme, ça a été le grand moment, issu du mouvement ouvrier, issu de constructions du mouvement social avant, et après la guerre de 14, et puis après, évidemment portée par la révolution russe de 1917, et puis j’allais dire, cachée par le stalinisme pour revenir sur toute l’histoire.

Aujourd’hui, il y a eu 800.000 voix pour Monsieur Roussel à la présidentielle, un peu plus de 2%, donc, quelque part, c’est un immense souvenir. En même temps, cette semaine, il s’est passé un élément absolument majeur, c’est que pour la première fois, la CGT n’est pas dirigée par un membre du Parti communiste, puisque Sophie Binet vient du Parti socialiste, même si elle ne doit plus y être, et elle a une tradition de l’Unef. Donc c’est un cadre qui est passé par l’université. Et l’événement important de cette semaine, c’est que la CGT est devenue un syndicat qui n’est plus lié au Parti communiste, alors qu’historiquement, on appelait ça “la courroie de transmission”. Il y avait aussi le mouvement des femmes françaises, et puis il y avait les mairies.

La base du communisme, c’étaient les municipalités, c’était le mouvement ouvrier d’un côté, la CGT, le mouvement des femmes françaises, et il y en avait aussi en agriculture, il y avait des relais. Et puis, de l’autre côté, il y avait évidemment les mairies. Et au fond, petit à petit, il est resté des mairies, et puis quelques départements. Puis ils ont perdu les départements. Et puis, il leur reste quelques mairies. Ils se les font grignoter, souvent d’ailleurs par les socialistes, parce que ce sont des mairies de gauche, populaires où l’affrontement est plutôt entre communistes et socialistes, parfois LFI, c’est tout ce mouvement-là.

Après, le problème du communisme, c’est que c’est une utopie de tout mettre en commun, qui est une très belle utopie. Et puis, dans les faits, c’est une tragédie, parce que comme modèle économique, ça n’a pas marché, avec des situations de violence terrible, sauf, j’allais dire en Chine. Ils ont fait de l’économie capitaliste avec une structuration de l’économie privée, à côté d’une politique, qui s’en est déconnecté. C’est un modèle très particulier. Mais voilà, il reste le commun. Il reste des gens souvent très dévoués, fort sympathiques. Comme mouvement historique, je pense qu’il a un peu fini sa période. 

Le texte d’orientation de Fabien Roussel, présenté au début de l’année, s’intitule “L’ambition communiste pour de nouveaux jours heureux”. Et Fabien Roussel n’hésite pas à faire de la valeur travail, un de ses points cardinaux. Et ça le différencie des autres partis de gauche ?

Oui, c’est-à-dire que le problème, c’est que le Parti communiste a toujours été implanté dans les entreprises, et dans les entreprises, on sait qu’il y a des ouvriers, des cadres, des cadres supérieurs, des techniciens. Et on sait que la production, c’est une association de métiers, structurée par des compétences, de la hiérarchie, etc. C’est ça leur vision du travail, alors qu’au fond, elle est fondée essentiellement sur le monde enseignant, beaucoup de gens qui sont enseignants. Ce n’est pas le monde de l’usine, ce n’est pas du tout le même rapport au travail, c’est l’opposition travail/temps libre, (on voit bien le discours de certains, pas de tous d’ailleurs,  effectivement sur Le droit à la paresse, qui était le texte de Paul Lafargue).

Ce n’est pas la même logique, et c’est là où la valeur “travail” pour le Parti communiste a toujours été importante. Mais derrière leurs idées, c’est la valeur du travail industriel, mais c’est aussi la reconnaissance de la diversité des statuts. Le Parti communiste sait qu’il y a des patrons et qu’il faut négocier avec eux. Et LFI aurait tendance à se demander s’il ne faut pas supprimer les milliardaires, ce n’est pas la meilleure approche de la réalité sociale. 





Lien des sources