« La victoire de Javier Milei en Argentine s’inscrit dans un contexte mondial de consolidation des droites radicales »

Avec la large victoire de Javier Milei au second tour de l’élection présidentielle, le 19 novembre, l’Argentine est entrée dans une phase d’incertitude inédite depuis le retour à la démocratie en 1983. Souvent présenté comme une déclinaison de Donald Trump ou de Jair Bolsonaro dans la région du Rio de la Plata, le candidat libertarien, qui a devancé le péroniste Sergio Massa de près de douze points, a sans doute bénéficié des précédents établis par ces deux figures. En moins d’une décennie, l’ancien locataire de la Maison Blanche et l’ex-président brésilien ont fait sauter une série de digues démocratiques sur le continent américain et rendu crédibles des tocades politiques qui paraissaient sans lendemain.
Une fois que l’on s’est accoutumé au spectacle de foules saccageant le Capitole à Washington, comme cela s’est produit le 6 janvier 2021, ou le palais du Planalto à Brasilia, le 8 janvier 2023, on se formalise moins qu’un nouveau venu, étranger à la scène politique il y a encore trois ans, fasse campagne, tronçonneuse à la main et insultes aux lèvres, en promettant de libéraliser le port d’armes et le commerce d’organes.
La victoire de Milei s’inscrit donc dans un contexte régional – mais aussi global – de consolidation de droites radicales qui ne cherchent plus à masquer les aspects les plus extrêmes de leur programme, mais les mettent en scène pour en faire des produits d’appel. Et peu importe que Milei se contente de balbutiements lorsque son adversaire, Sergio Massa, l’interroge, durant le débat de l’entre-deux-tours, sur les conditions concrètes de la suppression de la banque centrale et de la dollarisation de l’économie promises : l’essentiel réside désormais dans l’hubris, la démesure, la provocation, voire la bouffonnerie.
Phobies communes
Ces droites ont des phobies communes, du nord au sud de l’Amérique et de part et d’autre de l’Atlantique – l’avortement, la « théorie du genre » [terme employé pour marquer un rejet des études de genre], les communautés LGBTQIA+, le « marxisme culturel » [une théorie conspirationniste mettant en cause les élites intellectuelles], les migrants, etc. Elles désignent à la vindicte populaire leurs nouveaux ennemis de l’intérieur, qui se sont substitués aux communistes depuis la fin de la guerre froide. Se présentant sous les atours de la nouveauté, leur discours de rejet de la « caste » politique ne s’en accommode pas moins du recyclage de barons de la politique locale, changeant d’étiquettes partisanes au gré des occasions, ou de vieilles gloires des années passées.
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