La vie au « Château » des sans-abri de Villeurbanne


La vie au « Château » des sans-abri de Villeurbanne

Villeurbanne (Rhône)

De notre correspondante régionale

Au milieu de la cour, les habitants ont exposé leurs dernières réalisations : des bancs, quelques poubelles, une table basse et un meuble à chaussures, entièrement fabriqués à partir de palettes en bois. « Cet atelier, c’était un bon moment : j’ai appris à bricoler un peu et je sais que ça va servir à tout le monde ! », raconte Fatouma, en prenant dans les bras sa petite fille de 4 mois. La jeune femme, originaire d’Afrique centrale et arrivée en France il y a un an, fait partie des 180 habitants du lieu-dit « Le Château », à Villeurbanne (Rhône). Cet habitat partagé innove en permettant à plusieurs associations de mutualiser leurs moyens pour offrir un logement stable à des demandeurs d’asile, des femmes isolées et des jeunes issus de la protection de l’enfance, auparavant sans domicile.

Le projet a vu le jour il y a un an et demi, grâce à un appel à projets lancé par la ville et remporté par le bailleur Est métropole habitat, au printemps 2021. L’objectif ? Permettre à cette expérimentation de se déployer, pour une durée de cinq ans – de quoi lui offrir une certaine stabilité tout en évaluant sa viabilité –, dans une ancienne résidence pour personnes âgées, dont les travaux de remise aux normes étaient devenus trop coûteux.

« Le Château » a été investi par trois associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes en grande précarité : Forum réfugiés, Alynea et Acolea. Dix joueuses de l’équipe féminine de basket de Villeurbanne (Asvel VBF) y proposent en outre une activité sportive solidaire. À la tête d’Alynea, Pascal Isoard-Thomas affirme avoir longtemps attendu un tel lieu : « Ici, on ne met pas à l’abri, on offre un chez-soi. »

Avec ses six bâtiments regroupant 139 logements indépendants, des studios d’environ 30 m2, cette résidence inoccupée était une aubaine. « Il y a une cuisine, une salle de bains, des toilettes, qui sont souvent communes dans les solutions d’hébergement habituelles, alors que le besoin d’intimité et d’apaisement est essentiel pour des personnes en reconstruction, au-delà de la pérennité », rappelle Faten Narmand, cheffe de service chez Forum réfugiés. Surtout quand un même lieu accueille des publics aux parcours aussi divers.

La cohabitation y est favorisée par une gouvernance partagée et des espaces communs. Elle ne doit toutefois pas être imposée mais « proposée ». Fatouma se fait une joie de participer, par exemple, à la « session basket » organisée chaque semaine par les filles de l’Asvel. Ces activités communes sont des moments d’ouverture et de sociabilisation, « mais aussi l’occasion de redevenir acteur de sa vie, ce qui est important quand on subit, depuis des années, la moindre démarche », précise Moussa Amirat, chargé de vie collective. Le professionnel imagine des ateliers, comme celui dédié au mobilier en bois, « où chacun peut exprimer ses envies pour améliorer la vie quotidienne ». Les interactions avec le reste du quartier, elles, demeurent fragiles, malgré l’installation sur site d’un restaurant et des événements ouverts au voisinage.

Dans la métropole, où plus de 5 000 ménages sont en attente d’un logement selon le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, la directrice d’Est métropole habitat, Céline Reynaud, rappelle l’importance « d’évaluer et de capitaliser l’expérience d’un tel projet » pour qu’il essaime, sur le territoire ou ailleurs en France.



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