l’aérien français sera-t-il en ordre de marche cet été?



Après le chaos de l’été 2022, le secteur a multiplié les efforts pour combler les pénuries de personnels. Dans le même temps, l’État promet plus de fonctionnaires de police. Suffisant? Pas sûr.

Ne pas revivre le chaos de l’été 2022. Confronté à une reprise massive du trafic aérien, aéroports et compagnies aériennes ont clairement été prises de court il y a un an face à l’afflux de passagers.

Files d’attente qui s’allongent jusqu’à l’extérieur des aéroports, attentes interminables lors des vérifications de sécurité, retards en pagaille, centaines de bagages perdus… Les acteurs de la filière ont payé au prix fort le manque d’effectifs dû, en partie, à la pandémie du covid qui a débouché sur des départs massifs de salariés (entre 2019 et 2021, les effectifs dans la branche sont passés de 89.400 à 79.000).

Depuis, la filière a promis de corriger la situation, essentiellement en recrutant en masse, notamment dans le domaine de la sécurité, celui où la pénurie de personnels est la plus importante.

Une filière en ordre de bataille avant le rush de l’été

Alors que les vacances d’été 2023 approchent à grands pas, quelle est la situation? “La qualité de service est une attention permanente surtout après les tensions d’exploitation de l’été 2022”, reconnaît Pascal de Izaguirre, président de la FNAM (Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers).

Le responsable met d’abord en avant la prochaine signature d’une Charte de la qualité de service signée avec le ministère des Transports pour inscrire dans le marbre les engagements des acteurs. “C’est l’affaire de tous”, souligne-t-il, ayant également en point de mire les grands événements sportifs qui arrivent (Coupe du Monde de rugby cet automne et Jeux Olympiques l’an prochain).

Un appel reçu et repris par Clément Beaune, ministre délégué aux Transports: “La saison estivale se présente bien ce qui provoque des défis supplémentaires car l’été sera chargé”.

“On doit faire mieux que l’an passé. L’État est là et on a commencé à améliorer les choses mais on aimerait que ça aille plus vite, cela suppose des recrutements”, a-t-il souligné lors du congrès de la FNAM ce jeudi.

C’est en effet le nerf de la guerre. En juin 2022, on estimait à 4500 le nombre de personnes à embaucher (hors effectifs de la police) pour assurer une bonne qualité de service.

Juste avant l’été, des besoins encore importants

La filière s’est organisée, notamment en communiquant auprès des jeunes, en mobilisant Pôle Emploi tandis que le groupe ADP (Aéroports de Paris) a lancé une plateforme en ligne de recrutement.

Dans le même temps, le secteur a cherché à faire sauter les freins à l’embauche en augmentant les salaires, en améliorant les conditions de travail et en cherchant à mettre en place une convention collective unique.

“Certains métiers aéroportuaires sont difficiles (localisation, horaires, manutention) et les conditions de travail en aéroport doivent être améliorées et les parcours professionnels diversifiés” reconnaît Pascal de Izaguirre.

Cela s’est traduit par la signature de 9 accords de branche, dont plusieurs accords salariaux pour tenir compte de la revalorisation du SMIC.

Des efforts payants? La FNAM ou encore ADP sont assez avares en chiffres, ce qui n’incite pas à l’optimisme. La preuve? En avril dernier, ADP organisait une journée dédiée au recrutement à la Cité des métiers Charles-de-Gaulle. Objectif: trouver encore 1300 personnes, ce qui laisse présager que la pénurie est encore importante.

A Lyon, un forum spécial dédié à l’emploi pour l’aéroport de Saint-Exupéry a été organisé le 27 avril dernier avec à la clé 200 CDI et CDD. Là encore, on peut en déduire que les besoins restent importants.

Plus de policiers et des “gardes-frontière”

Autre problème de taille, les effectifs de la police aux postes frontière des aéroports. Le manque de fonctionnaires de la PAF provoque régulièrement des temps d’attente interminables aux départs et aux arrivées, pas plus tard que cette semaine à Roissy. De quoi irriter profondément les passagers.

“L’Etat doit se mobiliser pour faire baisser ces temps d’attente”, exige Pascal de Izaguirre. En effet, les recrutements dans ce domaine ne dépendent pas des gestionnaires aéroportuaires, mais de la Direction de la Police aux Frontières et donc du ministère de l’Intérieur. Il faut dire que la Place Beauveau a longtemps rechigné à déployer des effectifs supplémentaires dans les aéroports.

“Il y a une meilleure collaboration avec le ministère de l’Intérieur”, répond à BFM Business Clément Beaune qui salue le travail avec Gérald Darmanin. “On a un niveau de recrutements jamais vu même si ça reste complexe, notamment pour les questions d’habilitations, on ne transige pas avec la sécurité”.

Les méthodes ont été accélérées, notamment avec le poste de “garde-frontière” qui travaille aux côtés des forces de l’ordre. 365 postes de ce type sont ouverts. Ce salarié n’est pas fonctionnaire et ne passe pas de concours mais bénéficie d’une formation de 15 jours. “Le métier de garde-frontière est un premier pas dans l’univers des forces de l’ordre et pourrait servir de tremplin pour intégrer la police nationale”, avance le directeur central de la PAF.

À Roissy, une première promotion de 26 agents est opérationnelle

Clément Beaune ne promet pas un été sans accros

La PAF prévoit par ailleurs de recruter 255 agents contractuels de contrôle supplémentaires pour les aéroports parisiens d’ici juin et 500 avant fin 2024.

“D’autres agents contractuels pourront compléter ces effectifs tout au long de l’été, ce qui va permettre d’augmenter significativement le nombre de positions de contrôles ouvertes simultanément et donc d’améliorer les temps d’attente” affirme ADP.

Pour tout le pays, la PAF souhaite recruter au total 1200 personnes d’ici l’été 2024, un chiffre que nous confirme le ministre délégué aux Transports.

Des objectifs atteints pour un été fluide? “Il est encore difficile de dire si tous les recrutements seront bouclés pour cet été”, nous répond Clément Beaune qui met également en avant d’autres mesures pour éviter les embouteillages.

“On va par exemple élargir le nombre de nationalités qui peuvent utiliser les sas Parafe (passage automatisé de la frontière, NDLR) et faire en sorte que ces sas fonctionnent mieux, c’est une vraie voie d’amélioration” explique-t-il. Et 17 nouveaux sas Parafe seront installés, en tout, à Roissy et Orly.

Enfin, la filière veut se prémunir des grèves répétées des contrôleurs aériens qui, selon elle, a fait perdre 400.000 passagers cette année dans les aéroports parisiens. Un projet de loi “pour plus de prévisibilité de l’impact de ces grèves sur les passagers et les compagnies aériennes”, a été déposé au Sénat, indique Pascal de Izaguirre. Pour les vacanciers, il n’y a plus qu’à espérer que ces efforts portent leurs fruits.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business



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