L’affaire Omar Raddad portée à l’écran
Omar m’a tuer
à 20 h 55, sur Arte
Il aura fallu attendre vingt ans pour que l’affaire Omar Raddad finisse sur grand écran. Personne n’a pu oublier cette sidérante affaire : celle d’un jardinier condamné à dix-huit ans de prison pour avoir assassiné Ghislaine Marchal, laquelle avait trouvé la force de le dénoncer en écrivant son nom avec son propre sang. L’accusé n’a jamais cessé de nier toute implication et de dénoncer les nombreuses zones d’ombre de l’affaire. Bien que gracié, le 10 mai 1996, par Jacques Chirac, après sept ans de détention, il continue de réclamer sa réhabilitation.
L’acteur Roschdy Zem, passé derrière la caméra, s’attaque à un dossier très épineux. De façon originale et plutôt réussie, il raconte l’arrestation, l’incarcération et surtout le procès d’Omar Raddad (incarné par Sami Bouajila).
Alternant scènes d’action et joutes d’audiences, le film donne à voir l’extrême vulnérabilité de ce Marocain analphabète qui signe son procès-verbal de garde à vue sans en mesurer la portée, plaide sa cause devant les jurés, peine à faire valoir ses droits en prison… Autant de détails qui construisent, la thèse du film : c’est dans cette « justice de classe », dans cette machine capable de broyer les moins « armés » socialement que se niche l’erreur judiciaire. Bien que subtilement mis en scène, ce parti pris constitue la principale limite du film. Roschdy Zem ne s’en cache pas : il ne doute pas un instant de l’innocence d’Omar Raddad.
Sur le plan artistique, un tel parti pris n’a en soi rien de choquant. Et pourtant, on ressort gêné. Car ce qui se joue dans ce dossier est considérable. Soit Omar Raddad est coupable et alors on a, à tort, accusé la justice de maux très graves comme l’aveuglement ou le racisme. Soit le jardinier n’a rien à se reprocher, et son impuissance à faire entendre sa voix durant toutes ces années constitue un véritable scandale. Autant d’enjeux auxquels cette fiction très orientée ne peut répondre.