L’art de Baya, marqué par son enfance algérienne


Baya est le nom d’artiste d’une peintre et sculptrice algérienne, Fatma Haddad, née en 1931 dans une famille pauvre près de Bordj El Kiffan, à l’est d’Alger, et morte en 1998 à Blida. Brièvement célèbre en France après la seconde guerre mondiale, elle interrompt tout travail artistique en 1953, année de son mariage avec le musicien de style arabo-andalou El Hadj Mahfoud Mahieddine (1903-1979). Elle y revient à partir de 1962 et développe jusqu’à ses dernières années une œuvre, essentiellement picturale, qui est assez largement exposée en Algérie et en France, en particulier au Musée Cantini, à Marseille, en 1982.

Portrait de Baya (1947).

Ces faits suffisent à mesurer l’étrangeté de son cas : celui d’une artiste qui naît et grandit dans le contexte colonial algérien, ne fréquente aucune école d’art, est rapidement reconnue en raison de ses premières gouaches et, après dix ans d’arrêt, reprend le fil de ses débuts et le tient un quart de siècle.

L’exposition qui se tient à l’Institut du monde arabe cet hiver à Paris, avant d’être présentée à la Vieille Charité à Marseille, montre, en une cinquantaine d’œuvres, comment Baya a créé son style et l’a fait fructifier. Par lettres, archives et autres documents, elle raconte aussi comment l’œuvre a été reçue et combien elle a été l’enjeu de querelles d’interprétation.

Enigmes

La première énigme est celle de l’apparition de cette œuvre. Baya a raconté comment, enfant, elle a vu, en Kabylie, des potières au travail, ce qui lui aurait donné l’envie de manier à son tour l’argile. En 1941, orpheline de père et de mère, elle est recueillie avec sa grand-mère dans la ferme horticole de la famille Farges. Elle y est remarquée par Marguerite Caminat, sœur de la propriétaire de l’exploitation et épouse d’un peintre juif britannique réfugié en Algérie, Frank McEwen. Tous deux s’intéressent à la création des enfants, sujet d’études en Europe depuis la fin du XIXe siècle.

« Les Oiseaux musiciens » (1976), de Baya, gouache sur papier.

En 1943, Marguerite Caminat passe un contrat avec la grand-mère : elle embauche Baya comme servante, la fait venir chez elle, à Alger, lui fait donner des leçons de français et lui fournit papier, couleurs et terre. Les plus anciens travaux connus datent de 1944 : têtes, femmes aux grandes robes chamarrées, jardins denses. Dès ce moment, alors qu’elle a 13 ans, Baya définit les formes d’un geste sûr et associe les couleurs, souvent au paroxysme de leur intensité, de manière que les figures se détachent soit sur le blanc de la feuille, soit sur des fonds bleus, ocre ou roses à peine moins intenses.

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