L’avocat thaïlandais Arnon Nampa condamné à quatre ans de prison pour lèse-majesté
Figure de proue du combat pour la réforme de la monarchie thaïlandaise, l’avocat Arnon Nampa, 39 ans, a été condamné mardi 26 septembre à quatre ans d’emprisonnement pour crime de lèse-majesté. Un verdict lourd de symbole, quelques semaines seulement après l’entrée en fonction, le 5 septembre, d’un nouveau gouvernement dans lequel les affidés de la junte qui domine la scène politique depuis 2014, au nom de la défense de l’institution royale, sont largement représentés.
C’est la première fois qu’Arnon Nampa – sous le coup d’une dizaine d’autres inculpations pour lèse-majesté, aux peines cumulables, et pour crimes de sédition – est condamné. Détenu à l’issue du verdict mardi à Bangkok, M. Nampa a sollicité une libération conditionnelle pendant qu’il fait appel. Le militant a fait deux longs séjours en prison, en 2021 et 2022, pour un total de près de dix mois, sans procès : les juges rejetaient sa remise en liberté.
Un « sacrifice personnel »
Les faits qui lui sont reprochés remontent au 14 octobre 2020 : lors d’une manifestation alors non autorisée pour demander la démission du premier ministre, Prayuth Chan-o-cha, l’avocat déclare alors que si les manifestants venaient à être dispersés par la force, alors une seule personne pourrait en avoir donné l’ordre : le roi Rama X. Une « calomnie », a estimé le procureur, propre à « inciter la haine du peuple envers le souverain ».
Cet optimiste, qui cultive le style et le sang-froid d’Harry Potter, qu’il campa plusieurs fois, sous un déguisement, lors de la vague de manifestations de l’été 2020 pour défier « celui dont on ne peut prononcer le nom », s’est déclaré mardi, avant le verdict, fier du « sacrifice personnel » qu’il risque de devoir faire pour « la cause ». « Le mouvement de protestation des jeunes est un phénomène qui a changé la Thaïlande jusqu’à un point de non-retour », a-t-il affirmé aux journalistes devant le tribunal.
Défenseur des militants pro démocratie depuis la répression en 2010 des « chemises rouges » (du nom de la chemise couleur sang emblématique de cette insurrection), Arnon Nampa s’est fait connaître lors d’un discours historique, prononcé le 3 août 2020 : il sidère alors un pays éduqué dans le culte de la royauté en appelant à débattre publiquement de « [son] pouvoir réel [qui] outrepasse ce qui est autorisé par la constitution ». La parole se libère, et la fronde durera des mois avant que le gouvernement des généraux ne recoure massivement à… la loi de lèse-majesté pour y mettre fin. Selon l’association des Avocats thaïlandais pour les droits de l’homme (TLHR), 1 925 individus ont été inculpés pour des crimes politiques ou d’expression depuis juillet 2020 – parmi lesquels 257 l’ont été pour lèse-majesté. Cinq nouvelles mises en examen pour ce chef d’inculpation ont été comptabilisées rien qu’en août de cette année.
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