l’Azerbaïdjan lance une offensive, l’Arménie dénonce une «agression» à des fins de «nettoyage ethnique»

Bakou a déclaré lancer des «opérations antiterroristes» contre l’enclave. Deux civils ont été tués et 23 blessés, selon les autorités séparatistes.
Le Haut-Karabakh de nouveau sous les bombes azerbaïdjanaises. La capitale de la région séparatiste, Stepanakert, et d’autres villes de la région sont ciblées par des «tirs intensifs», ont déclaré les autorités locales ce mardi. «L’Azerbaïdjan a lancé une opération militaire de grande envergure contre la république d’Artsakh (le nom donné par les Arméniens au Haut-Karabakh, ndlr)», a indiqué sur Facebook la représentation des séparatistes en Arménie. La diplomatie arménienne a de son côté dénoncé «une nouvelle agression à grande échelle contre le peuple du Nagorny Karabakh, cherchant ainsi à parachever sa politique de nettoyage ethnique».
Deux civils tués et 23 blessés
Au moins deux civils ont été tués et 23 autres blessés dans l’opération militaire azerbaïdjanaise, ont annoncé les autorités séparatistes arméniennes de l’enclave.
«Le nombre de blessés civils est passé à 23. Le nombre rapporté de victimes civiles est (lui) de deux», a déploré sur X (ex-Twitter) Gegham Stepanyan, le défenseur des droits de la région séparatiste. «Des infrastructures civiles sont également prises pour cible» par l’armée azerbaïdjanaise, a-t-il affirmé.
Des «opération antiterroristes», assure Bakou
L’Azerbaïdjan a annoncé avoir lancé des «opérations antiterroristes» visant les forces arméniennes de la région que se disputent Arméniens et Azerbaïdjanais et où des détonations ont été entendues par un journaliste dans Stepanakert. Cette annonce intervient trois ans après le début de la précédente guerre du Karabakh en septembre 2020, conflit remporté à l’époque au bout de six semaines par les forces azerbaïdjanaises. «Des opérations antiterroristes ont commencé dans la région. Dans le cadre de ces mesures, les positions des forces armées arméniennes (…) sont mises hors d’état de nuire à l’aide d’armes de haute précision sur la ligne de front et en profondeur», a indiqué le ministère azerbaïdjanais de la Défense dans un communiqué. Selon les forces séparatistes, qui assurent résister «sur toute la ligne de contact, l’armée azerbaïdjanaise tente d’avancer «en profondeur».
La dissolution du «prétendu régime» séparatiste exigée par Bakou
«Le seul moyen de parvenir à la paix et à la stabilité dans la région est le retrait inconditionnel et total des forces armées arméniennes de la région azerbaïdjanaise du Karabakh et la dissolution du prétendu régime» séparatiste, a indiqué la diplomatie azerbaïdjanaise dans un communiqué.
Aucun militaire arménien sur place, selon Erevan
Le premier ministre arménien a réfuté les assertions de Bakou. «L’Azerbaïdjan a lancé une opération terrestre visant au nettoyage ethnique des Arméniens du Karabakh», a dit Nikol Pachinian dans une déclaration télévisée, assurant par contre que la situation à la frontière arméno-azerbaïdjanaise était, elle, «stable» et que l’Arménie n’était «pas engagée dans des actions armées». Nikol Pachinian a aussi appelé la Russie et l’ONU à «prendre des mesures» face à cette opération.
Moscou prévenu à la dernière minute
L’Azerbaïdjan a précisé avoir informé la Russie et la Turquie de son opération au Karabakh. Moscou indique toutefois n’avoir été prévenu que «quelques minutes» avant le début des opérations. L’Arménie appelle les forces de la paix russes déployées dans la région à «stopper l’agression».
Bakou a justifié son opération militaire par la mort de quatre policiers et deux civils dans l’explosion de mines sur un chantier routier au Nagorny Karabakh, accusant les séparatistes arméniens de cette région disputée d’avoir commis ces actes de «terrorisme». Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a indiqué mettre en place des couloirs humanitaires pour permettre l’évacuation des civils du Haut-Karabakh.
Une des régions les plus minées d’ex-URSS
Le Haut-Karabakh, théâtre de deux guerres entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, au début des années 1990 puis à l’automne 2020, est l’une des régions les plus minées d’ex-URSS. Des explosions y font régulièrement des victimes. Cette région montagneuse à majorité arménienne située en Azerbaïdjan a proclamé son indépendance de Bakou à la désintégration de l’URSS, avec le soutien d’Erevan, entraînant un conflit armé remporté par les séparatistes.
Mais 30 ans plus tard, à l’automne 2020, les forces armées azerbaïdjanaises ont pris leur revanche et reconquis d’importants territoires dans et autour de la région. Cette guerre s’était achevée après une médiation de Vladimir Poutine et le déploiement d’une mission de maintien de la paix russe. Mais la trêve a toujours été fragile et émaillée d’incidents armés.
L’Azerbaïdjan accusée de provoquer une crise humanitaire
Ces nouveaux incidents interviennent alors qu’Erevan accuse Bakou, qui dément, de causer une crise humanitaire au Haut-Karabakh en bloquant depuis fin 2022 le corridor de Latchine, seule route entre l’Arménie à l’enclave montagneuse. L’Arménie reproche aussi à la Russie son inaction. Bakou, fort du soutien de la Turquie et de sa manne pétrolière, a bâti une armée bien plus puissante que celle de son voisin arménien.
Paris demande une réunion «d’urgence» du Conseil de sécurité de l’ONU
La France a condamné «avec la plus grande fermeté» le lancement par l’Azerbaïdjan d’une opération militaire au Haut-Karabakh et demandé «la convocation d’urgence d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies».
L’UE, par la voix du président du Conseil européen Charles Michel, a appelé l’Azerbaïdjan à cesser «immédiatement» son opération, pour permettre un dialogue véritable entre Bakou et les Arméniens du Karabakh». «Cette escalade militaire ne doit pas être utilisée comme un prétexte pour forcer l’exil des populations locales», a également déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Blinken va prendre contact avec les différentes parties du conflit
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken va prendre contact avec «toutes les parties» y compris la Turquie. Washington juge «particulièrement dangereuse» l’opération lancée par l’Azerbaïdjan, a indiqué mardi un haut responsable américain.
«L’incident dans la nuit est particulièrement choquant et particulièrement dangereux», a déclaré à des journalistes ce responsable sous couvert d’anonymat en relevant qu’il intervenait au lendemain de l’envoi d’aide humanitaire dans cette région enclavée. «Nous allons être en contact avec toutes les parties», a-t-il dit citant en particulier la Turquie.