Le féminicide de la marathonienne olympique Rebecca Cheptegei bouleverse le Kenya



Brûlée vive. Le monde de l’athlétisme est à nouveau endeuillé. Et encore une fois, une jeune athlète est tuée. Après Agnes Tirop, Damaris Mutua, la jeune Ougandaise Rebecca Cheptegei, installée au Kenya pour réaliser son rêve, fait désormais partie de la terrible liste des femmes athlètes victimes de féminicides dans ce pays d’Afrique de l’Est. La marathonienne de 33 ans, qui a récemment couru aux Jeux olympiques de Paris, est décédée jeudi 5 septembre après avoir été enflammée par un homme présenté comme son compagnon.

Les faits se sont déroulés dimanche 1er septembre dans la localité d’Endebess, dans l’ouest du pays. Alors que la jeune femme rentrait de l’église avec sa sœur et ses deux filles âgées de 9 et 11 ans, Dickson Ndiema Marangach l’a aspergée d’essence avant de mettre le feu. Le tout sous les yeux des proches de l’athlète. Brûlée à plus de 80 %, elle n’a pas survécu. Son tortionnaire, lui aussi gravement brûlé, est toujours hospitalisé. Selon le père de la victime, l’homme aurait commis son crime pour des questions d’argent.

« Nous étions ensemble pour le marathon des Jeux à Paris »

Cette tragédie bouleverse le pays. « Je connaissais personnellement Rebecca. Nous étions ensemble pour le marathon des Jeux à Paris. Avant d’être une athlète, c’était une maman, une épouse », confie Joan Chelimo, jointe sur place. « Je suis très triste car cela me rappelle le drame d’Agnes Tirop. » Double médaillée mondiale, celle-ci a été poignardée à mort le 13 octobre 2021 par son mari. Après ce féminicide, Joan Chelimo, elle aussi marathonienne, a décidé de lancer la fondation Tirop’s Angels. Ses membres, des athlètes, viennent en aide aux coureuses victimes de ce type de violence. « Les femmes peuvent venir nous voir directement au siège de notre association, et nous nous rendons aussi dans les centres d’entraînement, les écoles ou dans les églises pour faire de la prévention », explique la Kényane.

En avril 2022, le corps de Damaris Mutua avait lui aussi été retrouvé sans vie dans sa maison. Le compagnon de cette athlète bahreïnienne d’origine kényane, toujours en fuite, est soupçonné de l’avoir étranglée. Évoquant cette série de meurtres, Joan Chelimo cite plusieurs facteurs : « En excellant dans le domaine du sport, les femmes brisent les normes traditionnelles, où l’homme doit subvenir aux besoins de la famille. Les hommes sont attirés par l’argent des athlètes. Ils se font passer pour des bons maris ou des entraîneurs pour tout leur prendre. »

Des violences faites aux femmes en augmentation

Tirop’s Angels milite en faveur d’une législation plus robuste afin de lutter efficacement contre les violences conjugales. La fondation souhaite « également mettre en place une campagne de sensibilisation ciblant le grand public ». Le meurtre de Rebecca Cheptegei et celui des deux autres athlètes illustrent la hausse sensible des féminicides dans le pays. Selon les statistiques du gouvernement, plus de 60 femmes ont été tuées depuis le début de l’année. « Les violences faites contre les athlètes féminines s’inscrivent dans un schéma plus large des violences sexuelles vis-à-vis des femmes dans la société », résume Joan Chelimo.

En janvier dernier, des centaines de personnes avaient manifesté dans les rues de Nairobi, la capitale, pour dénoncer ces violences, devenues une véritable préoccupation dans le pays. Leur nombre n’en continue pas moins d’augmenter chaque année. En juillet, un homme surnommé « le Tueur de Kware », du nom d’un bidonville de Nairobi, a avoué lors de son interrogatoire 42 féminicides.

___________________________________________

Le nombre de féminicides en hausse

725 féminicides ont été commis au Kenya en 2022, selon un rapport des Nations unies. Un record depuis le début du recensement de ces données en 2015.

75 % de ces meurtres sont commis par des proches des victimes, selon Africa Data Hub. Dans seulement 15 % des cas, elles sont tuées par des personnes qu’elles ne connaissent pas. Environ 80 % de ces homicides ont lieu au domicile de la victime.

Les femmes de 18 à 40 ans constituent la plus grande part démographique des victimes de féminicide dans le pays.

1 900, c’est le nombre de jours qu’il faut pour qu’un procès se tienne et que le suspect soit condamné.



Lien des sources