Le Japon poussé à la remilitarisation par les tensions en Extrême-Orient s’éloigne de son idéal pacifiste


En choisissant, pour accueillir le G7, la ville de Hiroshima, dévastée le 6 août 1945 par la première bombe atomique jamais utilisée, le Japon veut « rappeler ce qui peut se produire lorsque la paix et l’ordre s’effondrent pour laisser place à l’instabilité et aux conflits », écrivait, le 18 mai, à la veille du sommet des sept démocraties les plus industrialisées, le premier ministre, Fumio Kishida, dans une tribune publiée par la revue américaine Foreign Affairs. Mais, tout en proclamant haut et fort le pacifisme gravé dans le marbre de sa Constitution, Tokyo a confirmé le rôle de plus en plus actif, notamment sur le plan militaire, qu’il compte jouer sur la scène internationale. Deux objectifs qui peuvent s’avérer contradictoires.

L’Archipel emprunte un chemin qui pourrait le transformer en puissance « normale », c’est-à-dire dotée de la marge de manœuvre militaire légale de n’importe quelle autre nation souveraine de la planète, ce qui n’est pas encore officiellement le cas. La visite surprise du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors de cette réunion du G7, du 19 au 21 mai, a paru s’accorder avec la tonalité du virage stratégique opéré par le gouvernement nippon.

Alors que les vents mauvais du conflit russo-ukrainien se ressentent désormais jusqu’en Extrême-Orient, sur fond de guerre froide sino-américaine, le Japon a en effet annoncé, le 16 décembre 2022, une nouvelle stratégie de sécurité : doublement de son budget annuel de la défense en cinq ans, acquisition de missiles à longue portée et élargissement du principe d’autodéfense à des « contre-attaques » capables d’atteindre des sites de lancement en territoire ennemi. Une rupture historique avec le passé.

Une fiction sémantique

La Constitution pacifiste élaborée sous occupation américaine, au lendemain de la capitulation de l’armée impériale, et entrée en vigueur en 1947, avait déjà été réinterprétée depuis des lustres dans le sens d’une politique de défense toujours plus volontariste, mais en évitant de donner à l’opinion publique japonaise, comme au reste du monde, l’impression de remettre en cause ce pacifisme quasi sacralisé.

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Son article 9 stipule que « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre » et, dans cet objectif, qu’« il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre » dans le pays. En 1954, pour affirmer ce qui apparaît aujourd’hui de plus en plus comme une fiction sémantique, l’armée nippone a été baptisée « forces d’autodéfense japonaises ». Curieux paradoxe que celui d’un pays se dotant d’armes tout en promettant de ne jamais les utiliser et qui n’a jamais tiré un coup de feu depuis 1945. A ce jour, il possède quatre porte-hélicoptères et porte-avions, vingt sous-marins d’attaque et plus d’une centaine d’avions de chasse, dont des F35 américains de dernière génération…

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