« Le macronisme, qui se voulait inventeur d’un nouveau monde, utilise aujourd’hui les techniques du vieux monde »


La réforme des retraites et sa contestation ont relancé le débat sur la Ve République, l’état de notre démocratie ou encore sur la caractérisation politique d’Emmanuel Macron et du macronisme.

Lorsque Macron conquiert l’Elysée en 2017, il incarne, à 39 ans, la nouveauté. Une quadruple intuition l’avait amené à se lancer dans la campagne présidentielle : une grande partie des Français aspirait à un ample renouveau, l’opposition de la gauche et de la droite s’avérait dépassée, les deux principaux partis – le Parti socialiste et Les Républicains – étaient en voie de décomposition et, pour finir, le président Hollande ne serait pas en mesure de se représenter.

Emmanuel Macron se présentait comme un progressiste porteur d’un projet « et de droite et de gauche ». La France devait s’adapter à une économie mondialisée et un capitalisme en mutation. Cela supposait d’introduire de la fluidité dans l’économie et de la flexibilité pour le marché du travail. En contrepartie, il fallait de la protection sociale, agir sur l’environnement, développer la formation initiale et professionnelle. Il valorisait l’entreprise, instance de production et d’emploi, lieu du dialogue social et source d’inspiration pour le management. Le destin de la France était inséparable de celui de l’Europe, dont il se faisait le chantre et qu’il entendait relancer. Son libéralisme à la française avec un Etat continuant d’occuper une place essentielle imposait de moderniser celui-ci et de le rendre plus efficace, notamment pour l’éducation et la réindustrialisation. Il affichait, par ailleurs, un certain libéralisme culturel.

Ambivalences du macronisme

Se proclamant candidat antisystème, il prônait une conception disruptive de la politique, fustigeant les corps intermédiaires, les partis, les syndicats qui ne défendaient, selon lui, que leurs intérêts de boutique. Emmanuel Macron prétendait redonner du lustre à la fonction présidentielle qu’il estimait avoir été banalisée par Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Il s’érigeait en homme providentiel, vieille tentation nationale adaptée à l’époque. D’où la nécessité de mobiliser les citoyens en allant frapper à leurs portes, ce que firent les « marcheurs », et en jouant des outils technologiques parfaitement maîtrisés par les jeunes bardés de diplômes qui l’avaient rejoint.

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Ce projet a subi l’épreuve du pouvoir. Il ne s’agit pas ici de dresser un bilan du premier quinquennat, mais de restituer une trajectoire politique. Le président a, entre autres, affronté la crise des « gilets jaunes », des attentats terroristes et l’épidémie du Covid-19. Or, ces cinq années ont montré les ambivalences du macronisme. Le « et de droite et de gauche » a penché à droite pour les politiques économiques et une partie des politiques sociales, tandis que le « quoi qu’il en coûte » au moment de la pandémie, certaines dispositions contre le réchauffement climatique et des mesures sociétales, plutôt de gauche, n’ont étrangement guère marqué l’opinion.

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