« Le nouvel ordre voulu par Israël ne peut mener qu’à un chaos généralisé »



L’offensive de l’armée israélienne au Liban s’inscrit dans le prolongement de la guerre à Gaza. Même si les objectifs de guerre annoncés par Benyamin Netanyahou n’ont pas été atteints dans la bande de Gaza – libération des otages et élimination du Hamas – il estime que le mouvement est suffisamment affaibli pour mobiliser une partie de ses forces au Liban.

Les critiques étant fortes contre sa stratégie sur la scène politique intérieure, car pour les familles des otages sont derniers ont été « abandonnés », la diversion vers le Liban arrive à point nommé.

Une offensive multifactorielle

La guerre au Liban répond à plusieurs objectifs. Le premier est de permettre aux populations du nord d’Israël de rentrer chez elles. Au lendemain des massacres du 7 octobre 2023, elles étaient parties de crainte que le Hezbollah, qui avait apporté son soutien au Hamas, ne commette un massacre de même ampleur. Le deuxième est d’en finir avec la menace que fait peser le parti de Dieu sur le pays et, de ce fait, veut détruire son arsenal militaire. Pour cela Israël entend instaurer une zone tampon au sud Liban – à l’image de celle qu’il met en place dans le nord de la bande de Gaza. Tous les villages sont détruits et les populations ont dû partir en abandonnant tous leurs biens.

Au-delà, c’est l’Iran qui est visé car la rhétorique d’Israël s’appuie sur le danger que représente ce pays pour la région, raison pour laquelle il s’attaque à ses satellites : le sud Liban, la banlieue de Beyrouth et la plaine de la Bekaa ; la Syrie qui abrite des infrastructures iraniennes ; les Houthistes qui ont revendiqué un tir de missile sur l’aéroport de Tel-Aviv. Le troisième est de rétablir un rapport de force mis à mal par les attaques du 7 octobre et de laver l’affront du départ de l’armée israélienne du sud Liban en 2006. Déjà en juillet 2006, l’armée de l’air israélienne avait tenté d’éliminer le secrétaire général du Hezbollah.

Le Liban divisé et affaibli

Les conséquences de l’offensive aérienne puis maintenant terrestre au Liban sont déjà très lourdes : un bilan humain de plus de 1 000 civils tués au cours des quinze derniers jours selon le ministre libanais de la santé et un million de personnes déplacées. Les appels au cessez-le-feu sont ignorés d’autant que les États-Unis « soutiennent l’opération » et partagent l’objectif d’Israël de « démanteler des infrastructures d’attaques afin d’assurer que le Hezbollah libanais ne puisse mener une attaque dans le genre du 7 octobre sur les communautés israéliennes du Nord ».

Les Libanais sont divisés. Une partie d’entre eux étaient opposés au choix fait par Hassan Nasrallah d’apporter son soutien au Hamas craignant le pire et le déluge de feu qui s’abat sur le Liban leur donne raison quand ses partisans estiment que c’était le bon choix. La perception largement partagée est que le choix de Nasrallah de s’impliquer aux côtés du Hamas était très risqué et terriblement dangereux mais qu’Israël va trop loin et qu’il est inadmissible qu’après avoir détruit la bande de Gaza, il détruise le Liban.

Pour le moment les responsables politiques libanais évitent de raviver les antagonismes entre les différentes communautés mais jusqu’à quand ? Certains craignent le retour de fortes tensions d’autant que la guerre intervient alors que le pays est extrêmement affaibli et traverse un des pires crises de son histoire sur les plans politique, économique, financier et social et maintenant militaire.

Riposte iranienne, fuite en avant israélienne

L’escalade continue avec le lancement par l’Iran de dizaines de missiles balistiques sur Israël qui ont été interceptés par le dôme de fer ne provoquant que quelques blessés. Téhéran a décidé de réagir pour laver l’humiliation de l’assassinat du chef du Hamas sur son sol le 31 juillet dernier et celui d’Hassan Nasrallah son plus fidèle allié. Il souhaiterait s’arrêter à cette riposte mais Israël et les États-Unis ont annoncé se concerter pour répliquer et Netanyahou de déclarer : « ils paieront leur grosse erreur ».

La fuite en avant du gouvernement israélien est très inquiétante car celui-ci ne mise que sur le rapport de force avec un objectif obtenir la reddition de ses voisins quel qu’en soit le prix. Écraser les populations au nom de la lutte contre le terrorisme avec l’assentiment de Washington et ce sans aucune considération pour le droit international allant jusqu’à déclarer dans son discours à la tribune de l’ONU : « Je vous le dis, jusqu’à ce qu’Israël, jusqu’à ce que l’État juif soit traité comme les autres nations, jusqu’à ce que ce marécage antisémite soit asséché, l’ONU sera considérée par les gens justes comme rien de plus qu’une farce méprisante ».

Les assassinats ciblés que mène Israël au mépris du droit international sont graves et représentent un formidable retour en arrière, gommant tous les efforts pour définir les règles d’un droit qui s’appliquerait à tous les États afin de réguler la vie internationale. Le nouvel ordre qu’entend instaurer l’État hébreu au Proche-Orient basé sur les destructions et la violence ne peut conduire qu’à un chaos généralisé et en aucun cas à une région plus sûre comme le clame Netanyahou. Que deviendront les jeunes générations au Liban, dans la bande de Gaza et partout à travers le Moyen-Orient après ces mois de guerre ?



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