Le propriétaire ne peut reprendre son bien sans reloger son locataire âgé et modeste


Le propriétaire-bailleur désireux de reprendre son bien pour l’habiter doit, lorsque son locataire est âgé et de condition modeste, lui trouver un appartement équivalent, dans le même périmètre géographique. C’est l’article 15-III de la loi du 6 juillet 1989 qui l’impose, afin de protéger ce type de locataire du risque de se retrouver dans un logement non décent, lorsque son bail n’est pas renouvelé.

Or, dans certaines zones locatives tendues, il est impossible de trouver un appartement équivalent. Le propriétaire ne peut donc pas récupérer son bien, comme le montre l’affaire suivante.

En 2017, les X donnent congé à leurs locataires, qui habitent rue Dauphine, dans le 6e arrondissement de Paris. Ils veulent quitter la Seine-Saint-Denis, où ils vivent, pour s’y installer, afin que leur fils soit scolarisé « dans un établissement de bon niveau ».

Les locataires, M. et Mme Z, dans les lieux depuis 1982, refusent de partir. Lorsque les X les assignent, ils contestent leur motif de reprise. Ils assurent que la différence de niveau entre les établissements scolaires parisiens et ceux de la Seine-Saint-Denis, invoquée par les X, ne repose « sur aucun critère objectif ». La cour d’appel de Paris leur donne tort, le 21 juin 2022.

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Elle juge que « le choix d’inscrire leur enfant dans une école ou un collège parisien plutôt que dans l’établissement dont ils dépendent actuellement n’a pas à être remis en cause ni par la justice, ni par les locataires », car il « relève de l’exercice de l’autorité parentale ».

Elle juge encore que « le seul fait que les époux X aient deux enfants et que le logement composé d’une seule pièce principale ne dispose que d’une surface de 28,32 mètres carrés ne suffit pas à rendre le congé frauduleux, dès lors que les bailleurs ont parfaitement le droit de privilégier leur lieu de vie à [sic] leur confort ».

572 euros pour 30 mètres carrés

Mais elle annule le congé, faute pour les X d’avoir présenté une offre alternative, alors que M. Z a plus de 65 ans et que le revenu fiscal de référence du ménage (26 154 euros) est inférieur au plafond (34 593 euros) lui permettant de bénéficier d’un logement social.

La Cour de cassation, devant laquelle les X se pourvoient, accepte (22-21763) d’interroger le Conseil constitutionnel : l’obligation faite au bailleur de reloger son locataire « dans les limites géographiques définies par la loi du 1er septembre 1948 » (article 13 bis), c’est-à-dire à proximité de son adresse actuelle, ne porte-t-elle pas une atteinte « disproportionnée » à son droit de propriété, consacré à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, compte tenu de « l’impossibilité » dans laquelle il se trouve, au regard du marché locatif privé, d’y satisfaire ?

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