Le succès du CPF est avant tout urbain mais son utilisation est plus ciblée dans les zones rurales



Selon une étude de la Caisse des dépôts, les formations au permis de conduire B sont de loin les plus populaires dans les zones denses.

La formation professionnelle a connu en France une accélération notable depuis la mise en place du CPF (Compte personnel de formation) en 2018/2019. Il permet aux salariés et aux demandeurs d’emploi de profiter de formations professionnelles au travers des droits acquis (en euros et non plus en heures) pendant leurs parcours professionnels, et surtout de le faire seuls, à travers une plateforme en ligne.

Ainsi, la consommation de formation professionnelle financée par le CPF est passée entre 2020 et 2021 de 1 million de dossiers validés à 2,1 millions. Le nombre de bénéficiaires est quant à lui passé de 850.000 de personnes en 2020 à 1,64 million en 2021.

Un succès incontestable qui présente certaines disparités souligne une étude de la Caisse des Dépôts qui se penche sur les différences régionales.

Rappelons que c’est cette institution qui rémunère directement les sociétés de formation. En près de trois ans (à fin 2022), cinq millions de personnes ont été formées pour un coût total de sept milliards d’euros, selon la CDC.

En volume, ce sont sans surprise les zones urbaines qui présentent les taux de recours les plus élevés. Mais dans le même temps, c’est en zone rurale que les formations sont les plus directement liées à l’exercice d’un métier précis, résume l’institution.

5,5% des actifs en zone dense ont eu recours au CPF contre 2,2% en zone très peu dense

Dans le détail, “le taux de recours au CPF (par les actifs occupés) est d’autant plus important que le degré de densité est élevé”: 5,5% dans les espaces denses en 2021, 3,6% dans les espaces de densité intermédiaire, 2,9% dans les espaces peu denses et 2,2% dans les espaces très peu denses, peut-on lire.

Ce constat est amplifié lorsqu’on s’intéresse uniquement aux demandeurs d’emploi. “C’est dans les espaces les plus denses que les demandeurs d’emploi sont, rapportés à leur nombre, les plus enclins à mobiliser leurs droits CPF (13,9% contre 11% en zones intermédiaires et 10,6% en zones peu denses).

“La relation croissante entre consommation de CPF et densité se vérifie également pour toutes les tranches d’âge. Ainsi, 7,2% des actifs occupés âgés de 25-34 ans des espaces denses mobilisent leurs droits CPF, contre seulement 3,1% des actifs occupés du même âge dans les espaces très peu denses” souligne la Caisse des Dépôts.

Evidemment, la densité n’est pas la seule variable qui explique ces différences. Elles s’analysent également à travers “les caractéristiques socioéconomiques – pyramide des âges, taux d’emploi, spécialisation sectorielle des entreprises, etc. – des zones urbaines et rurales (qui) diffèrent largement et il est probable que ces mêmes caractéristiques modifient également les besoins de formation des habitants”.

Et d’ajouter: “au total, les caractéristiques socioéconomiques des territoires expliqueraient 48% de l’écart de recours à la formation entre territoires denses et très peu denses, et jusqu’à 61% de l’écart entre zones peu denses et très peu denses”.

Mais le plus intéressant dans cette étude réside dans les différences dans les formations suivies. Elles sont ainsi “plus directement liées à l’exercice d’un métier précis en zone rurale”.

Le permis de conduire B, star des formations en zone urbaine

L’étude souligne par exemple que “le taux de recours au CPF pour financer le permis B est plus de dix fois plus élevé dans les espaces denses que dans les zones rurales”.

Dans ces zones, passer le permis de conduire “occupe le premier rang des formations financées par les droits CPF (19% de l’ensemble des bénéficiaires), le troisième dans les espaces de densité intermédiaire (7%) et, seulement, les neuvième et dixième rangs dans les espaces peu denses et très peu denses (3% des bénéficiaires).

L’accompagnement à la création et/ou à la reprise d’entreprise, la certification en langue (Pipplet Flex), la réussite du TOEIC (Test of English for International Communication) et le bilan de compétences sont les quatre autres formations CPF privilégiées par les actifs en zone dense.

L’étude souligne par ailleurs que les formations souscrites dans les zones urbaines “sont généralement plus longues et, rapportées à l’heure de formation, plus coûteuses que celles consommées dans les zones rurales” avec des tarifs qui varient entre1100 et 1700 euros.

Il n’y a pas à opposer les utilisations

A l’inverse, en zone peu et très peu dense, si l’accompagnement à la création et/ou à la reprise d’entreprise se hisse au premier rang des formations CPF suivies par les actifs, “les formations certifiantes plus directement reliées à l’exercice d’un métier apparaissent à des rangs plus élevés: formations aux différents CACES (Certificats d’aptitude à la conduite en sécurité au 6e rang), formations à l’hygiène alimentaire dans la restauration collective, permis de conduire poids lourds (catégories C et CE), formations continues au transport de marchandises, etc”.

Que faut-il conclure? Qu’en zones denses, salariés et demandeurs d’emploi privilégient des formations peu ou moins liées à un métier?

La Caisse des dépôts n’oppose pas les deux usages et reprend à son compte une analyse de la Dares: “cela ne signifie pas que le financement du permis de conduire par le CPF n’est pas bénéfique sur les plans professionnel et social. En effet, les bénéficiaires de ce type de formation déclarent plus souvent avoir connu une évolution professionnelle favorable que les autres bénéficiaires du CPF et attribuent plus volontiers cette évolution favorable à leur formation”.

Une évolution du CPF qui inquiète

Reste à savoir si les récentes évolutions du CPF ne vont pas bouleverser à la fois le volume de formations consommées et leurs destinations. Un amendement adopté dans le cadre du budget 2023 prévoit “une participation du salarié au coût d’une action de formation, d’une validation des acquis de l’expérience (VAE) ou d’un bilan de compétences effectués dans le cadre du CPF”.

“Cette participation pourrait être proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire. Les demandeurs d’emploi et les salariés dont l’employeur finance une partie de ce coût en seront exonérés” peut-on lire sur Service-public.fr.

Si le décret d’application n’a pas encore été publié, pour les partisans du CPF, ce changement sera contre-productif. “C’est une erreur sociale et une erreur économique”, réagissait sur France Télévisions l’ancienne ministre du Travail Muriel Pénicaud.

“Qui dans les milieux modestes va pouvoir payer 50 ou 100 euros pour sa formation, sachant qu’ils font déjà l’effort de se former, souvent en dehors du temps de travail? “Si vous commencez à payer pour votre propre employabilité, je pense qu’on marche sur la tête” assène-t-elle. Et de rappeler que 80% des actifs en formation sont des ouvriers et employés.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business



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