Le « violeur de la Sambre » et la maire héroïque


Annick Mattighello, chez elle, à Salesches (Nord), le 9 janvier 2023.

Le vendredi 1er juillet 2022, Dino Scala, 61 ans, a été reconnu coupable par la cour d’assises du Nord de 54 agressions sexuelles et viols entre 1988 et 2018 – il est soupçonné d’en avoir commis davantage. Condamné à vingt ans de réclusion criminelle, le « violeur de la Sambre » a fait appel et un nouveau procès doit se tenir en 2024.

Dans son magistral livre Sambre, radioscopie d’un fait divers (JC Lattès), Alice Géraud, ancienne journaliste de Libération et du site Les Jours, retrace cette affaire vertigineuse et livre le résultat de quatre années d’investigations sur un mystère : comment cet homme a-t-il pu agresser et violer des dizaines de femmes pendant trente ans, le long d’une même route, sans être inquiété ? Comment a-t-il pu échapper à la justice malgré les dizaines de plaintes déposées dans les commissariats et gendarmeries de ce territoire minuscule du val de Sambre (Nord) ?

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Son enquête (qui va être adaptée en série par Jean-Xavier de Lestrade) est accablante pour l’institution policière et judiciaire, inefficace face aux violences sexuelles, indifférente et parfois cruelle à l’égard des victimes. De ce désastre émergent quelques figures ­lumineuses et héroïques : des proches de victimes, des policiers et des médecins. Parmi elles, l’ancienne maire de Louvroil (Nord) Annick Mattighello, aujourd’hui âgée de 72 ans.

Une rage intacte

Cette Lilloise d’origine modeste a travaillé dès l’âge de 14 ans. Elle entre comme ouvrière chez Thomson à Lesquin à 18 ans, devient syndicaliste, secrétaire de la CGT des métallos, élue PCF à Lille et ­gravit tous les échelons de son parti jusqu’à devenir la première ­secrétaire de la puissante ­fédération communiste du Nord.

Le 8 février 2002, cette petite femme blonde, alors maire de Louvroil depuis bientôt un an, reçoit un coup de fil affolé du concierge du gymnase municipal. Quelque chose de grave est arrivé à Monique (dont le livre ne mentionne pas le nom de famille), la femme de ménage. Lorsqu’elle arrive, la scène à laquelle assiste Annick Mattighello est éprouvante : la femme est prostrée, à demi nue. Elle a été agressée sexuellement par un inconnu. L’élue conduit elle-même Monique à l’hôpital et lui dit qu’il faut porter plainte, tout de suite.

« On a menacé de me poursuivre pour entrave à l’enquête : à cause de moi, le violeur allait se sauver. » Annick Mattighello

C’était il y a vingt ans et sa colère est intacte. La lecture de Sambre a ravivé sa « rage » de l’époque. Une « rage immense » lorsqu’elle a appris que trois autres femmes avaient été agressées, dont deux dans sa commune. Toutes ont décrit la même chose : à l’aube, un homme a surgi derrière elles, leur a enserré le cou, a menacé de les planter avec son Opinel avant de les violer ou de tenter de le faire.

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