les cliniques privées doivent-elles assurer la permanence des soins l’été ?



Plusieurs hôpitaux avaient alerté cet été, les chiffres le confirment : de nombreux services d’urgences n’ont pas fonctionné au maximum de leur capacité durant la période estivale, selon le baromètre de la Fédération hospitalière de France dévoilé mardi 3 septembre. Parmi les 260 établissements publics interrogés, 39 % estiment que la situation de leurs urgences s’est dégradée par rapport à 2023. Les raisons avancées sont multiples : le manque de personnels médicaux et paramédicaux, de lits, mais aussi la fermeture des services d’urgences d’autres structures, comme ceux des cliniques privées.

Les responsables des trois quarts des hôpitaux publics sondés estiment en effet que ces établissements ne se mobilisent pas ou faiblement pour faire face aux difficultés des urgences. Ils sont en outre 42 % à déplorer des fermetures « non anticipées » d’urgences privées, une situation qui contribue à « la fragilisation de l’organisation des soins non programmés ».

Face à la pression estivale, la déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF), Zaynab Riet, a ainsi appelé lors d’une conférence de presse à une « meilleure répartition de la contrainte en termes de mobilisation des acteurs » du soin, autrement dit une participation plus grande des cliniques privées.

128 services d’urgences privés

Parmi les 1 030 cliniques et hôpitaux privés que compte le territoire, 128 comportaient des services d’urgences, ayant reçu un peu plus de 3 millions de patients en 2023, selon la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). En outre, « cent centres de soins non programmés privés ont permis en 2023 d’accueillir 1 270 000 patients en consultations non programmées », se défend le président de la FHP, Lamine Gharbi.

« Nous avons 20 % des urgences et nous assurons 20 % de l’activité, le compte est bon », estime-t-il. Les soins qui y sont délivrés sont gratuits, grâce au tiers payant intégral – il n’y a donc pas d’avances de frais à faire ni de dépassement d’honoraires. Mais « 15 à 20 % » des prises en charge débouchent sur une hospitalisation, selon le président de la FHP, et donc des recettes pour les établissements privés.

En théorie, les urgences du secteur privé sont soumises aux mêmes procédures d’autorisation que le public, et donc aux mêmes obligations de permanence des soins. « Les cliniques privées doivent pouvoir accueillir 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 un patient qui a une douleur abdominale, par exemple, et lui faire un scanner », explique Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence (SFMU). « Mais en pratique, certaines structures ne font pas les scanners après 20 heures. Ce n’est pas normal », déplore celle qui invite à poursuivre les améliorations de coopération entre public et privé engagées après la crise du Covid-19.

Une meilleure répartition prévue par la loi Valletoux

La loi Valletoux sur l’accès aux soins adoptée en décembre 2023 prévoyait une meilleure répartition de la permanence des soins entre établissements publics et privés, sous l’égide des agences régionales de santé (ARS). Mais le décret censé en détailler les contours n’a à ce jour pas été publié.

Sur le terrain, « la situation est assez disparate », précise Sébastien Beaune, médecin aux urgences de l’hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt : certaines urgences privées fonctionnent à plein régime, tandis que d’autres se concentrent sur la prise en charge de la traumatologie légère, n’ayant pas la capacité d’accueillir des patients avec des pathologies complexes.

« Ce qui est certain, c’est que certaines structures privées ne prennent pas leur part de responsabilité », estime le professionnel de santé, tandis que d’autres refusent de demander l’autorisation de médecine d’urgence, perçue davantage comme une « contrainte ». Selon Lamine Gharbi, les établissements de la FHP ont toutefois proposé au ministre de la santé que des « autorisations supplémentaires leur soient accordées pour augmenter leur participation à ces soins non programmés ».

Au-delà de la répartition des soins entre le public et le privé, Sébastien Beaune estime que le manque de personnel entraîne des fermetures ponctuelles de services d’urgences, quel que soit le statut des établissements, « partout sur le territoire ».



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